Abbaye de Saint-Riquier

abbaye située dans la Somme, en France

Abbaye de Saint-Riquier
Abbaye de Saint-Riquier, Monasticon Gallicanum.
Abbaye de Saint-Riquier, Monasticon Gallicanum.

Ordre jusque 1618 Bénédictin, congrégation de Saint-Maur à partir du XVIIe siècle
Abbaye mère Abbaye Saint-Germain-des-Prés à partir du XVIIe siècle
Fondation 625? 789?
Fermeture 1790
Diocèse Diocèse d'Amiens
Fondateur Riquier de Centule?
Protection Logo monument historique Classé MH (1840, abbatiale)
Logo monument historique Classé MH (1960, salon)
Logo monument historique Classé MH (1965, bâtiments)
Logo monument historique Classé MH (1965, enceinte)
Site web https://www.abbaye-saint-riquier.fr/abbaye.php
Localisation
Pays Drapeau de la France France
Région historique Picardie Picardie
Région Hauts-de-France
Département Somme
Commune Saint-Riquier
Coordonnées 50° 08′ 03″ nord, 1° 56′ 55″ est
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Abbaye de Saint-Riquier
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Abbaye de Saint-Riquier
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Abbaye de Saint-Riquier

L'abbaye de Saint-Riquier (Centula) est un ancien monastère bénédictin situé à Saint-Riquier dans le département de la Somme et dont les origines de la fondation restent obscures. Elle fut rattachée à l'ordre bénédictin. L'abbaye fut supprimée à la Révolution française.

Histoire modifier

Fondation modifier

Les rares sources disponibles divergent sur la fondation de l'abbaye. Si une fondation en 625 par Riquier de Centule (Richarius) en personne est parfois évoquée[Note 1], il s'agirait plutôt - d'après les sources textuelles et archéologiques[Lesquelles ?] - d'une initiative de l'abbé laïc Angilbert, gendre de Charlemagne.

Période carolingienne : l'apogée modifier

La période de splendeur de l'abbaye se situe sous le règne de Charlemagne. L’abbaye carolingienne fut entièrement financée par Charlemagne lui-même. Les travaux furent engagés dès 789 ou 790 et achevés en 799. Elle serait la première à comporter un westwerk ou massif occidental. En cela, elle aurait fait figure de précurseur et aurait servi de modèle pour de nombreuses abbayes construites par la suite (abbaye de Corvey par exemple).

L'abbaye était alors une entité administrative de l'empire et elle exerçait son autorité administrative sur la ville entière, riche à la fois d'une population civile et d'une garnison militaire regroupant estimée à plus de 100 chevaliers.

L'abbaye serait le lieu probable de la sépulture d'Angilbert époux de Berthe, fille de Charlemagne, et de leur fils Nithard.

En 845 puis en 881, les Vikings dévastèrent Saint-Riquier. L'abbaye fut ensuite restaurée, mais vers l'an mil elle menaçait de tomber en ruine et fut entièrement reconstruite.

Entre ruines et restaurations modifier

En 1131 l'abbaye fut incendiée par Hugues III de Campdavaine, comte de Saint-Pol.

Entre 1257 et 1292, d'importants travaux furent entrepris à l'initiative de l'abbé Gilles de Machemont, qui fit élever notamment les arcades du chœur et une partie du transept actuel.

Au XVe siècle, elle fut ruinée successivement par les Bourguignons et par les Armagnacs en 1421, puis incendiée en 1554. Un immense bâtiment de style classique, accolé à l’abbatiale, lui succèda.

Au XVIe siècle, le roi Philippe II d'Espagne, fils de Charles Quint, se chargea à son tour de prendre et d'incendier l'abbaye lors de sa guerre contre la France, ce qui provoqua la dispersion des moines. Ce fut un coup terrible pour l'abbaye qui menaçait de disparaître définitivement.

Contre le pilier gauche à l'entrée de l'abbaye de Saint Riquier (Somme - France)
Statue de Saint Jacques Le Majeur

Cependant elle fut presque entièrement restaurée dans la seconde moitié du XVIIe siècle par l’abbé Charles d'Aligre qui fit adopter aux moines la réforme de la congrégation de Saint-Maur.

Disparition de l'abbaye modifier

À la Révolution française, l'abbaye fut déclarée bien national, par le décret de l'Assemblée nationale du 2 novembre 1789. Ses bâtiments furent mis en vente. L'église abbatiale devint l'église paroissiale de la commune. Par la suite, le diocèse d'Amiens racheta les anciens bâtiments abbatiaux qui abritèrent un petit séminaire[1]. L'ancienne abbaye servit aussi d’hôpital militaire avant d’accueillir en 1953 la congrégation des Frères auxiliaires du clergé.

Protection des bâtiments modifier

Les différents éléments subsistants de l’abbaye font l'objet d'une protections au titre des monuments historiques[2] :

– l'église abbatiale est classée au titre des monuments historiques par liste de 1840 ;
– dans l'aile occidentale des bâtiments, le salon décoré situé au rez-de-chaussée de l'angle sud-ouest fait l'objet d'un classement par arrêté du  ;
– les façades et toitures de la maison abbatiale et du bâtiment entourant le cloître ainsi que l'escalier intérieur de la maison abbatiale et les parties anciennes du mur d'enceinte font l'objet d'un classement par arrêté du .

Liste des abbés modifier

Abbés conventuels modifier

  • 625-645 : Riquier de Centule (Saint-Riquier)
  • 645-687 : Ociald
  • 687-724 : Cochin
  • 724-765 : Guimaire (Saint-Guimaire)
  • 765-7?? : Aldéric
  • 7??-791 : Symphorien
  • 791-814 : Angilbert de Ponthieu
  • 814-831 : Eric
  • 831-837 : Elisachar
  • 837-843? : Ribold
  • 843-844 : Nithard de Ponthieu
  • 844?-856? : Louis, chancelier de Charles le Chauve
  • 856-860 : Rodolphe de Bavière
  • 860-864 : Helgauld de Ponthieu
  • 864-870 : Guelf Ier de France
  • 870-877 : Carloman de France
  • 877-881 : Guelf II
  • 881-9?? : Herbert
  • 9??-939 : Cébert
  • 939-9?? : Hédevold
  • 9??-9?? : Hugues Ier
  • 9??-9?? : Gérard
  • 9??-950 : Gerbert
  • 950-981 : Foulques
  • 981-1022 : Ingélard
  • 1022-1045 : Enguerrand ler Sage
  • 1045-1071 : Gervin Ier
  • 1071-1097 : Gervin II
  • 1097-1138 : Anscher de La Ferté le Vieux
  • 1138-1142 : Jean Ier
  • 1142-1143 : Guilduin
  • 1143-1160 : Pierre Ier
  • 1160-1170 : Geoffroy
  • 1170-1176 : Riquier II
  • 1176-1184 : Laurent
  • 1184-1192 : Ursé
  • 1192-1207 : Riquier III
  • 1207-1210 : Gérold
  • 1210-1211 : Matthieu
  • 1211-1237 : Hugues II de Chevincourt
  • 1237-1245 : Gautier Ier
  • 1245-1248 : Hervé
  • 1248-1257 : Gautier II de Guessant
  • 1257-1292 : Gilles de Marchemont
  • 1292-1297 : Eudes
  • 1297-1303 : Eustache Ier
  • 1303-1312 : Jean II de Foucaucourt
  • 1312-1343 : Baudouin de Gaissart
  • 1343-1361 : Pierre II d’Allouenges
  • 1361-1374 : Philippe du Fossé
  • 1374-1393 : Hugues III de Roigny
  • 1393-1410 : Guichard de Salles
  • 1410-1411 : Jean III de Bouquetot
  • 1411-1457 : Hugues IV Caillerel, natif de Poligny,comté de Bourg, et mort en 1462 au château abbatial de Drugy, père naturel de Huguette du Hamel future abbesse de Port-Royal-des-Champs
  • 1457-1479 : Pierre III Le Prêtre
  • 1479-1511 : Eustache II Le Quieux
  • 1511-1538 : Thibaud de Bayencourt

Abbés commendataires modifier

Source : Gallia Christiana

L'abbaye au XXIe siècle modifier

Centre culturel départemental [3],[4] modifier

L’ancienne abbaye bénédictine de Saint-Riquier, fondée dans la première moitié du VIIe siècle, est l'un des plus beaux édifices patrimoniaux du département de la Somme. Le site accueille aujourd’hui le Centre culturel départemental qui développe un projet culturel ambitieux autour des arts visuels, du spectacle vivant, avec une saison culturelle pluridisciplinaire et un pôle départemental d’art vocal.

Elle dynamise et valorise les artistes du département de la Somme dans le cadre de résidences organisées tout au long de l’année.

Le Conseil départemental de la Somme a souhaité, dans le cadre de sa politique culturelle, faire de l’accès à toutes les formes contemporaines d’expressions artistiques une priorité. Celle-ci se développe notamment par un renforcement des programmes d’éducation artistique et culturelle afin de permettre à tous les publics de rencontrer l’art en général.

C’est dans cet objectif que le département de la Somme s’est associé au Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou de Paris pour mettre en œuvre un programme de coopération avec le centre culturel départemental de l’abbaye de Saint-Riquier. L’un des axes développés dans cette démarche pluriannuelle vise en priorité le jeune public. Le Centre Pompidou apporte son expertise et ses programmes au Département de la Somme avec l’objectif de sensibiliser le public à l’art contemporain par la mise à disposition de contenus artistiques mêlés à des actions et initiatives locales.

Le festival de musique de Saint-Riquier - Baie de Somme et l'art vocal modifier

Pour promouvoir ce patrimoine exceptionnel, l’abbaye propose chaque année un festival consacré aux musiques classiques et actuelles et à la voix.

Tous les ans, au mois de juillet, Saint-Riquier accueille un festival de musique. Créé en 1985 sur une idée originale d'Hugues Hairy (conservateur) et de Christian de La Simone (chargé de mission) pour le conseil général de la Somme, ce festival est devenu un temps fort de la vie musicale du Nord de la France. En 2018, le Conseil départemental de la Somme a décidé de mettre fin à la programmation musicale « classique » pour la remplacer par une programmation plus éclectique mêlant la variété et d'autres genres de musiques jugés plus dans le goût du grand public.

Après avoir adopté un schéma départemental des enseignements artistiques, le Conseil départemental de la Somme a concrétisé, en 2018, le projet du Centre culturel départemental de l’abbaye de Saint-Riquier. La création du pôle départemental d’art vocal fut alors l’occasion de positionner la voix au cœur d’une nouvelle dynamique culturelle en faveur de la pratique, de l’enseignement et de la diffusion du chant. Celui-ci contribue au rayonnement de l’art vocal dans le département de la Somme, en partenariat avec les institutions régionales (Orchestre de Picardie) et nationales (Radio France).

Église abbatiale modifier

Construite à l’emplacement de l’église carolingienne détruite par les invasions normandes et les incendies, cet édifice du XIIIe siècle est l’œuvre de restauration de quatre abbés entre 1257 et 1536 et a connu les différentes étapes du gothique. Longue de 96 mètres, large de 27 mètres et haute de 50 mètres, elle possède une façade de style gothique flamboyant du XVe siècle.

À l’intérieur, le style est plutôt classique, dans les boiseries, les grilles et la décoration en marbre du XVIIe siècle sous l’influence de l’abbé Charles d’Aligre.

On peut également y admirer les tableaux de peintres du XVIIe siècle (Jouvenet, Bon Boullongne, Hallé…), un Christ de Girardon, ainsi que la salle du Trésor, où est contée (lors de visites guidées) l’une des plus extraordinaires légendes du Moyen Âge : le Dit des trois morts et des trois vifs.

Les bâtiments abbatiaux modifier

Les bâtiments conventuels subsistant datent pour partie du XVIIIe siècle, ils furent reconstruits après l'incendie de 1719[5]. Ils furent agrandis et modifiés au XIXe siècle. Le logis abbatial est l'élément le plus remarquable de cet ensemble. L'aile sud des bâtiments conventuels dont il ne restait plus que le rez-de-chaussée de la façade sur jardin fut reconstruite à partir de 1939 pour accueillir le Petit Séminaire.

Sont classés monuments historiques par arrêté du 9 janvier 1960 : le salon du rez-de-chaussée de l'angle sud-ouest des bâtiments de l'aile occidentale et sa décoration (boiseries, voussures, plafond, cheminée), les façades et toitures, l'escalier intérieur de la maison abbatiale, les façades et toiture du bâtiment entourant le cloître[6].

Le mur d'enceinte modifier

L'abbaye était entourée d'un mur d'enceinte qui la séparait du monde. Il a été reconstruit en 1620. À l'angle nord de ce mur, se trouve la tour Saint-Jean qui a été récemment restaurée de même que la portion du mur qui la rejoint. Les parties anciennes de ce mur d'enceinte (cad. AD 50) sont classées monuments historiques par arrêté du 22 octobre 1965[6].

Le parc modifier

L’abbaye de Saint-Riquier possède, clos par le mur d'enceinte de l'abbaye, un parc de 4 hectares qui jouxte les bâtiments abbatiaux. Les Carolingiens, qui portèrent l'abbaye à son apogée, n’oublièrent pas de valoriser les jardins, selon les prescriptions du capitulaire de Villis.

Le parc ornemental modifier

La partie ornementale est composée d'une centaine d’arbres feuillus et résineux et de ruches. On peut aussi y admirer des granges picardes et les « petites écoles » du petit séminaire.

Le verger historique modifier

Aujourd’hui encore le verger comporte environ 300 arbres fruitiers dont plusieurs sont centenaires. On compte des pommiers, poiriers, cerisiers, pêchés, pruniers mais aussi châtaigniers, noyers et noisetiers exactement comme le préconisait Charlemagne dans ce fameux capitulaire. Et ce sous toutes les formes : espalier, cordon, le demi tige ou haute tige.

De surcroît, un vieux poirier, centenaire mais bien vivant, orne la façade ouest de l’actuel centre culturel.

Le centre culturel départemental de Saint-Riquier s’est rapproché de l’association des croqueurs de pommes pour préserver et valoriser ce verger historique. Plusieurs étapes vont voir le jour, à commencer par le recensement des variétés, puis viendra le temps de l’étude pour enfin soigner et valoriser le verger.

Enfin, en collaboration avec l’équipe du service Éducation Artistique et Culturelle (E.A.C.), des médiations sont proposées aux scolaires comme au grand public, notamment lors des Journées européennes du patrimoine.

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. Notamment par Alcuin, au VIIIe siècle.

Références modifier

  1. Frères auxiliaires sur le site de la BNF.
  2. Notice no PA00116244, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture
  3. « Association de préfiguration de la fondation de l'abbaye royale de Saint-Riquier- Baie de Somme - centre culturel de rencontre (Somme) », sur Cour des comptes (consulté le )
  4. « Département de la Somme », sur Cour des comptes (consulté le )
  5. Aline Magnien (sous la direction de), Saint-Riquier - Une grande abbaye bénédictine, Paris, Éditions Picard, 2009
  6. a et b https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/PA00116244

Annexes modifier

Bibliographie modifier

  • Dom Michel Germain, Matériaux du Monasticon Gallicanum, ms. Latin 11820 « Regalis abbatia Sancti Richarii Centulensis »
  • « Reprise des fouilles à l'abbaye royale de Saint-Riquier » in Archéologia, no 556, juillet-, p. 20-21.
  • Bulletin de la Société des antiquaires de Picardie, numéro spécial « Saint-Riquier », .
  • Dom Jean Becquet, « Abbaye et prieurés de l'ancienne France, province ecclésiastique de Reims, diocèse actuel d'Amiens » tome 16, in Revue Mabillon, 1981, 223 pages.
  • Camille Blachère, « Saint-Riquier, trésor des Carolingiens » in Archéologia, no 524, , p. 25-31.
  • Abbé Léon Bouthors, Histoire de Saint-Riquier. Le bienheureux, l'abbaye, la ville, le petit séminaire, 1902
  • Florence Charpentier et Xavier Daugy, Sur le chemin des abbayes de Picardie, histoire des abbayes picardes des origines à nos jours, Amiens, Encrage Edition, 2008 (ISBN 978 - 2 - 911 576 - 83 - 6)
  • Georges Durand, « Saint-Riquier », dans Congrès archéologique de France. 99e session. Amiens. 1936, Paris, Société française d'archéologie, (lire en ligne), p. 96-124
  • Georges Durand, « Saint-Riquier » in La Picardie historique et monumentale, tome IV, arrondissement d'Abbeville, seconde partie, Amiens, Société des antiquaires de Picardie, Fondation Edmond Soyez 1907-1911 - Lire sur Gallica.
  • Hariulf, Chronique de l'abbaye de Saint-Riquier (Ve siècle - 1104) (extrait en ligne).
  • Abbé Hénocque, Histoire de l'abbaye et de la ville de Saint-Riquier, Amiens, Douillet et Cie, 1880 - tome premier : [lire en ligne]
  • Bernard Honoré, « Saint-Riquier - Un site prestigieux du monde carolingien », Cahiers archéologiques de Picardie, volume 5, Amiens, 1978 (- Lire en ligne sur Persée.fr.
  • Dom Jacques Hourlier, « La spiritualité à Saint-Riquier d'après Hariulf », dans Revue Mabillon, janvier-, p. 1-20 - lire en ligne sur Gallica
  • Aline Magnien (sous la direction de), Saint-Riquier - Une grande abbaye bénédictine, Paris, Éditions Picard, 2009 (ISBN 978-2-7084-0820-3).
  • Marie-Laure Pain (sous la direction de) et Marie-Laure Pain, « L'abbaye de Saint-Riquier : églises et liturgie », dans Groupes cathédraux et complexes monastiques : Le phénomène de la pluralité des sanctuaires à l'époque carolingienne, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Archéologie & Culture », (ISBN 978-2-7535-4259-4), p. 27-37
  • Pascal Quignard, Les Larmes, roman, Grasset, 2016.

Articles connexes modifier

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