Article premier de la Constitution de la Cinquième République française

Article premier de la Constitution du 4 octobre 1958
Description de cette image, également commentée ci-après
Référence à l'article premier sur une pancarte brandie dans une manifestation en 2015.
Présentation
Pays France
Langue(s) officielle(s) Français
Type Article de la Constitution
Adoption et entrée en vigueur
Législature IIIe législature de la Quatrième République française
Gouvernement Charles de Gaulle (3e)
Promulgation 4 octobre 1958
Publication 5 octobre 1958
Entrée en vigueur 5 octobre 1958
Modifications 4 août 1995 (suppression et déplacement d’une partie de l’article 2)
28 mars 2003 (décentralisation)
23 juillet 2008 (égalité des sexes)

L'article premier de la Constitution du 4 octobre 1958 définit les principes fondamentaux de la République française.

Texte modifier

« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.

La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales. »

— Texte de la Constitution en vigueur sur le site internet du Conseil Constitutionnel[1]

Le premier alinéa modifier

Les trois premières phrases du premier alinéa appartenaient à l'article 2 jusqu'en 1995[2].

La dernière phrase du premier alinéa, mentionnant l'organisation décentralisée de la République, est un ajout introduit par la révision constitutionnelle de mars 2003.

Le second alinéa modifier

Le second alinéa a été ajouté par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008. Il reprend et complète une disposition présente auparavant dans l'article 3.

Ancienne rédaction modifier

L'article 1er était auparavant consacré à la Communauté, outil juridique conçu par les constituants de 1958 mais jamais réellement appliqué :

«  La République et les peuples des territoires d'outre-mer qui, par un acte de libre détermination, adoptent la présente Constitution instituent une Communauté.

La Communauté est fondée sur l'égalité et la solidarité des peuples qui la composent. »

— Version d'origine de la Constitution sur le site internet du Sénat[3]

Cette rédaction de l'article, tout comme les autres articles relatif à la « Communauté », a été abrogée par la révision constitutionnelle du 4 août 1995[2].

Applications modifier

L'indivisibilité de la République modifier

L'indivisibilité de la République induit l'unicité du peuple français. Ainsi, dans sa décision relative au statut de la Corse du 9 mai 1991, le Conseil constitutionnel considère que la reconnaissance d'un peuple corse, composante du peuple français, est contraire à l'article premier de la Constitution de 1958[4]. En effet, il se réfère à la tradition constitutionnelle française, laquelle ne connaît que « le peuple français, composé de tous les citoyens français, sans distinction d'origine, de race ou de religion »[5]. Pour autant, cet article doit être combiné avec le premier alinéa de l'article 72-3 de la Constitution de la Cinquième République française qui dispose que « La République reconnaît, au sein du peuple français, les populations d'outre-mer, dans un idéal commun de liberté, d'égalité et de fraternité ». L'indivisibilité de la République est l'un des fondements du principe d'égalité qui interdit de distinguer les individus en fonction de leur origine, de leur race ou de leur religion, tel qu'il est aussi consacré par l'alinéa 1 de l'article premier.

Le principe d'indivisibilité s'oppose aussi à la reconnaissance de droits collectifs à des groupes au sein du peuple français. Ces droits doivent être communs à l'ensemble du peuple français. Ce raisonnement justifie l'opposition du Conseil constitutionnel à la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires par une décision du 15 juin 1999 (« Considérant qu'il résulte de ces dispositions combinées que la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, en ce qu'elle confère des droits spécifiques à des "groupes" de locuteurs de langues régionales ou minoritaires, à l'intérieur de "territoires" dans lesquels ces langues sont pratiquées, porte atteinte aux principes constitutionnels d'indivisibilité de la République, d'égalité devant la loi et d'unicité du peuple français »[6]. L'opposition du Conseil constitutionnel à la ratification de cette Charte vient aussi de sa contradiction avec l'article 2 de la Constitution de la Cinquième République française qui consacre le français comme langue officielle.

Toutefois, l'indivisibilité de la République ne signifie pas que les territoires qui la constituent sont voués à lui appartenir éternellement, conformément au droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Cela fut illustré par la sécession des anciennes colonies dans les années 1960, y compris des départements à part entière à l'issue du référendum d'autodétermination de l'Algérie en 1962. De nos jours, l'article 77 de la constitution encadre les modalités du processus d'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie.
L'indivisibilité concerne donc les territoires qui vouent allégeance à la République.

La laïcité de la République modifier

L'article premier consacre constitutionnellement la laïcité de la République. Pour autant, des statuts spécifiques demeurent, notamment en ce qui concerne le droit local en Alsace et en Moselle qui fait perdurer le Concordat de 1801. La loi de séparation des Églises et de l'État de 1905 ne put l'abroger lors de sa promulgation étant donné que ces départements étaient allemands à l'époque (voir Concordat en Alsace-Moselle). Ce régime est caractérisé, notamment, par le financement du salaire de certains ministres du culte par l'État, en contradiction avec le principe de non-subventionnement des cultes issu de la loi de 1905 relative à la séparation des Églises et de l'État. Toutefois, dans une décision de 2013 dite Association pour la promotion et l'expansion de la laïcité, le Conseil constitutionnel, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, a estimé que « […] toutefois, qu'il ressort tant des travaux préparatoires du projet de la Constitution du 27 octobre 1946 relatifs à son article 1er que de ceux du projet de la Constitution du 4 octobre 1958 qui a repris la même disposition, qu'en proclamant que la France est une « République. . . laïque », la Constitution n'a pas pour autant entendu remettre en cause les dispositions législatives ou règlementaires particulières applicables dans plusieurs parties du territoire de la République lors de l'entrée en vigueur de la Constitution et relatives à l'organisation de certains cultes et, notamment, à la rémunération de ministres du culte ; ».

De ce fait, découlant des travaux préparatoires de la constitution de 1946 et 1958 le principe de laïcité de la République n'est pas violé par le maintien du Concordat en Alsace-Moselle[7].


On peut aussi ajouter le cas des territoires ultramarins concernés par les décrets Mandel, qui y maintiennent la possibilité du financement du culte par l'Etat. La Guyane en particulier reste sous l'empire de l'ordonnance royale de Charles X de 1828, y accordant le monopole du culte à l'Église catholique[8].

En dehors de ces cas particuliers, le principe de laïcité implique la neutralité religieuse de l'État. Celui-ci ne reconnaît aucun culte en particulier et, par conséquent, ne peut les subventionner. En revanche, il est le garant du libre exercice des cultes et ne doit pas empêcher les citoyens de pratiquer leurs religions dès lors que leurs pratiques ne menacent pas l'ordre public[9].

Le principe de laïcité figure parmi les droits et libertés que la Constitution garantit. À ce titre, il peut être invoqué à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité (Conseil constitutionnel, Décision n° 2012-297 QPC du 21 février 2013)[10].

Interdiction des statistiques ethniques modifier

Dans une décision de 2007 relative à la loi du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile, le Conseil constitutionnel a indiqué que la prohibition des distinctions posée par l'article premier de la Constitution interdisait la réalisation de traitements statistiques reposant sur l'origine ethnique ou la race, même à des fins de recherche[11].

L'égalité modifier

L'égalité est reprise dans la devise à l'article 2 et à la déclaration de 1789 au préambule mais il y eut des controverses : l'égalité peut être brisée pour l'intérêt général (2005-514 DC), ne s'impose que dans des situations identiques (93-325 DC), concerne en priorité les situations de droit (81-134 DC), avec des exceptions (82-143 DC) et doit être proche de la loi et rationnelle (98-397 DC et 91-298 DC). Ces explications eurent des conséquences, comme l'impossibilité des critères ethniques ou des affirmatives actions[12]

La question du mot « race » modifier

L'utilisation du mot « race » dans l'article 1er a fait l’objet de nombreuses remises en question transpartisanes, mais les nombreuses tentatives législatives de modification de cette formulation à partir des années 2000 ont toutes échoué. Une difficulté vient du fait que le substantif « race » a pris en français des sens très divers : terme du langage courant, terme technique en sciences naturelles, pseudo-concept dans des discours racistes, mémoire d'une histoire tragique, outil sociologique et juridique. En France, son éventuelle suppression du texte de la constitution divise fortement les militants anti-racistes et les personnalités politiques. Les arguments en faveur et en défaveur de la suppression du mot de la Constitution, et plus généralement du droit pénal français, sont constants depuis le début des années 1990, et les débats sont passionnés : certains reprochent au mot « race » sa connotation historique ou l'évocation d'une réalité biologique que la science a réfutée, tandis que d'autres utilisent le mot avec le sens qu’il prend en sociologie, et pensent que sa suppression affaiblirait la législation antiraciste[13].

Décentralisation modifier

La révision constitutionnelle de 2003 a ajouté le principe de décentralisation à l'article premier de la constitution.

Notes et références modifier

  1. Texte de la Constitution en vigueur sur le site internet du Conseil Constitutionnel
  2. a et b Loi constitutionnelle no 95-880 du 4 août 1995
  3. Version d'origine de la Constitution sur le site internet du Sénat
  4. « Décision n° 91-290 DC du 09 mai 1991 », Conseil constitutionnel (consulté le )
  5. Joseph Krulic, « L'idée de peuple dans la tradition constitutionnelle française », Sens Public (consulté le )
  6. « Décision n° 99-412 DC du 15 juin 1999 », Conseil constitutionnel (consulté le )
  7. « Décision n° 2012-297 QPC du 21 février 2013 | Conseil constitutionnel », sur www.conseil-constitutionnel.fr (consulté le )
  8. « Les exceptions au droit des cultes issu de la loi de 1905 », sur vie-publique.fr, .
  9. Carcassonne et Guillaume 2014, p. 45-46.
  10. « Décision n° 2012-297 QPC du 21 février 2013 », Conseil constitutionnel, (consulté le )
  11. « Décision no 2007-557 DC du 15 novembre 2007 - Loi relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile », sur conseil-constitutionnel.fr, .
  12. Guy Carcassonne et Marc Guillaume, La Constitution, Paris/61-Lonrai, Seuil, coll. « Points », quinzième éd., 487 p. (ISBN 978-2-7578-7976-4), p. 46-48
  13. Simone Bonnafous, Bernard Herszberg et Jean-Jacques Israel, « Sans distinction de... race » (numéro spécial), Mots (revue), vol. 33, no 1,‎ (lire en ligne, consulté le )

Annexes modifier

Bibliographie modifier

Articles connexes modifier