Bruno Étienne

sociologue et politologue français

Bruno Étienne est un anthropologue, sociologue et politologue français né le à La Tronche (Isère) et mort à Aix-en-Provence le .

Spécialiste de l'Algérie, de l'islam et de l'anthropologie du fait religieux, il a été l’un des premiers politologues à s’intéresser à l’islam comme fait politique. Il fonde l'Observatoire du religieux dans le cadre de l'Université d'Aix-en-Provence.

Biographie modifier

Jeunesse et formation modifier

Bruno Étienne est issu d'une famille de francs-maçons d'un côté, de protestants de l'autre[1].

Il étudie à La Seyne, puis il est élève du lycée Thiers[2]. Il est diplômé de l'Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence et de l'université de Tunis en langue arabe. En 1975, il passe l'agrégation de science politique. Il soutient le 22 décembre 1965 à l'Université d'Aix-en-Provence une thèse de doctorat d'État en droit public et science politique ayant pour sujet Les Européens d'Algérie et l'indépendance algérienne[3]. Son directeur de thèse est Maurice Flory. Il pratique jusqu'au début de sa maladie les arts martiaux (étant 5e dan) au sein de l'« Union Shito Ryu Karate-Do France », dont il fut le président[4].

Carrière professionnelle modifier

De 1962 à 1965, il est chercheur au CNRS. De 1966 à 1974, il vit en Algérie comme coopérant technique. Bruno Étienne a été aussi chercheur au Caire, enseignant à l'ENA-Alger, à la faculté de droit de l'université d'Alger, à l'université Hassan II Casablanca et à Marmara. Durant ces années, il se décrit comme étant « de gauche, tiersmondiste »[1]. Il obtient l'agrégation de sciences politiques en 1975. Il devient maître de conférences en droit public et science politique à la faculté de droit de l’Université de Casablanca de 1977 à 1979[5].

Rentré définitivement en France en 1980, il succède à Maurice Flory à la direction du Centre de recherche et d’étude des sociétés méditerranéennes (CRESM) d’Aix-en-Provence, qu’il va diriger jusqu’en 1985. Professeur de science politique, il est brièvement rattaché à l’Université Lyon II, avant d’intégrer définitivement l’Institut d’études politiques d’Aix-en-Provence. En 1990, il signe l'Appel des 75 contre la guerre du Golfe[6].

Il a été directeur de recherches au CNRS, professeur à l'Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence, fondateur et directeur jusqu'en 2006 de l'Observatoire du religieux[7]. Bruno Étienne était aussi membre de l'Institut universitaire de France[8].

Il a été « professeur invité» aussi bien en Tunisie (Tunis), qu’en Égypte (Le Caire), en Turquie (Marmara), en Syrie (Damas), en Israël/Palestine, aux États-Unis (Princeton) et au Japon (Tokyo, Kyoto)[5].

Inventeur de l'expression « Islam de France », Bruno Étienne est l'inspirateur du Conseil français du culte musulman. Il est à l'origine d'une véritable école de chercheurs à Aix-en-Provence ; parmi eux, il faut mentionner Raphaël Liogier, Jocelyne Cesari, Béatrice Mabilon-Bonfils et Frank Fregosi. Gilles Kepel a également subi son influence. Très médiatisé, iconoclaste et provocateur afin d'éveiller les consciences, il a marqué par son enseignement plusieurs générations d'étudiants aixois[9].

En 1999, il signe pour s'opposer à la guerre en Serbie la pétition « Les Européens veulent la paix »[10], initiée par le collectif « Non à la guerre »[11].

Franc-maçonnerie modifier

Bruno Étienne est initié dans la loge « Le Phare de la renaissance » à l'Orient de Marseille le 12 janvier 1960[12]. Il passe ensuite au grade de compagnon le 17 janvier 1961, avant d'être élevé au grade de maître le 8 mai 1962, toujours dans la même loge. Il est ensuite affilié à la loge « Les Arts et l'Amitié » à l'Orient d'Aix-en-Provence le 16 décembre 1964[13], affiliée au Grand Orient de France dont il fut orateur en 1968[14]. Il devient enfin membre de la loge « Règle et Liberté » à l'Orient d'Aix-en-Provence, où il occupe le poste d'hospitalier du 26 septembre 1995 jusqu'à son décès. Il a dénoncé en termes appuyés l'évolution du Grand Orient de France[15]. Bruno Étienne est le premier à porter sur la franc-maçonnerie un regard anthropologique et sociologique sur la base d'entretiens et enquêtes qu'il évoque dans son ouvrage La franc-maçonnerie, une voie pour l'Occident[16].

Bouddhisme modifier

Pratiquant du bouddhisme zen[17], en 1997, durant une semaine, il assista, accompagné de Raphaël Liogier, alors son étudiant en thèse, aux enseignements donnés par le dalaï-lama à Karma-Ling en Savoie[18]. Il avance néanmoins dans un entretien en 2008 être « d’un relativisme culturel absolu »[1].

Hommage modifier

Mort à Aix-en-Provence le d'un cancer[19],[20],[21], il est inhumé au cimetière Saint-Pierre d'Aix-en-Provence. Sciences-Po Aix a rebaptisé son principal amphithéâtre en sa mémoire. La cérémonie s'est déroulée le 14 octobre 2009 en présence de sa veuve et de l'Association des amis de Bruno Étienne[22], fondée pour pérenniser son œuvre.

Publications modifier

Distinction modifier

Notes et références modifier

  1. a b et c « Bruno Étienne : "La religion est devenue un supermarché et pourquoi pas ?" », (consulté le ) sur archive.is.
  2. Interview
  3. ÉTIENNE Bruno, Les Européens d'Algérie et l'indépendance algérienne, Paris, CNRS, (ISBN 978-2-222-01087-6)
  4. « les arts martiaux », sur brunoetienne.com (consulté le )
  5. a et b Biographie Bruno Étienne.
  6. Anne-Marie Duranton-Crabol, « L'anti-américanisme français face à la guerre du Golfe », Vingtième Siècle, revue d'histoire, vol. 59, no 1,‎ , p. 1296-139 (lire en ligne).
  7. (en) World religion Watch Site Internet de l'Observatoire.
  8. Collectif, Institut Universitaire de France, Paris, Livre Groupe, (ISBN 978-1-159-59605-7)
  9. Julien Danielides, « Aix : "Bruno Etienne avait vingt ans d'avance, il manque au débat" », La Provence,‎ (lire en ligne)
  10. « Liste des personnalités signataires de l'Appel », sur nonguerre.chez.com.
  11. Renaud Dély, « L'extrême droite ratisse large contre les frappes de l'Otan. Le « Collectif non à la guerre » a tenu une réunion proserbe hier soir », sur liberation.fr, .
  12. Alain Bauer et Roger Dachez 2022, p. 57.
  13. Fabien Bertrand, thèse de doctorat « Regards croisés sur la franc-maçonnerie : profanes, initiés, représentations et intersubjectivités » soutenue en 2009 à l'université de Bordeaux, p. 15-16.
  14. Nos Travaux, Les Arts et l'Amitié
  15. Bruno Étienne, « Une franc-maçonnerie ravagée par la démagogie profane », sur masonic;ch, via Archive.is.
  16. ÉTIENNE Bruno, La franc-maçonnerie, une voie pour l'Occident, Paris, Éditions Dervy, (ISBN 978-2-84454-936-5)
  17. Horizons maghrébins, numéros 40 et 41, Université de Toulouse-Le Mirail, 1999, p. 106 « Nous y apprenons que Bruno Étienne est provençal de souche et pas seulement d'adoption, franc-maçon et pratiquant du bouddhisme zen, […] ».
  18. Raphaël Liogier, À la rencontre du dalaï-lama : mythe, vie et pensée d'un contemporain insolite, Paris, Flammarion, , 253 p. (ISBN 978-2-08-120880-3, OCLC 317463050), p. 31.
  19. Décès de Bruno Étienne, pionnier de la recherche sur le phénomène religieux Dépêche AFP 5/3/2009 sur le site de France Info
  20. Benjamin Stora, « La mort de mon ami, Bruno Étienne », 5 mars 2009.
  21. Xavier Ternisien, Bruno Etienne, sociologue, spécialiste des religions, Le Monde, 6 mars 2009
  22. Inauguration de l’amphithéâtre « Bruno Étienne »
  23. Grande Loge Suisse Alpina.
  24. Revues sur La pensée du Midi

Annexes modifier

Mise en scène modifier

  • Croyances et manifestations magico-religieuses au Maroc : le cas de Meknès Abdelati Lahlo / [S.l.] : [s.n.], 1986
  • Islam et socialisme dans l'Algérie contemporaine Hanafi Chabbi / [S.l.] : [s.n.], 1987
  • La Personnalité de l'Emir Abd-el-Qader dans les écrits algériens et français : analyse critique de la bio-bibliographie Mme Abdelraheem, née Boutaba Zakia / [S.l.] : [s.n.], 1987

Bibliographie modifier

Liens externes modifier