Empire romain d'Occident

provinces indépendantes à l'Ouest de l'Empire romain

L'Empire romain d'Occident est une convention entre historiens désignant la partie occidentale de l'Empire romain (en latin Pars occidentalis) depuis l'instauration de la Tétrarchie (« gouvernement à quatre ») par l'empereur Dioclétien en 285. Il est important de préciser d'emblée qu'il ne s'agit pas d'un État indépendant séparé de la partie orientale : l'Empire romain reste un et indivisible malgré le partage des responsabilités, principalement militaires, entre plusieurs empereurs. Ainsi, si Rome reste la capitale officielle, Milan sera la résidence des empereurs d'Occident jusqu'en 402, puis Ravenne.

Empire romain d'Occident
(la) Imperium Romanum (Pars Occidentalis)

293/395476/480

Drapeau
Vexillologie
Blason
Description de cette image, également commentée ci-après
Carte de l'Empire romain d'Occident à son extension maximale, en 395.
Informations générales
Statut Empire
Capitale Milan ()
Ravenne ()
Langue(s) Latin (officiel), grec koinè, langues celtiques, langues germaniques, langue punique, langues berbères
Religion Religion romaine polythéiste, puis christianisme nicéen à partir de 380 (édit de Thessalonique)
Monnaie Solidus, Aureus, Denier, Sesterce
   (voir Monnaie romaine)
Superficie
Superficie (en 395) 4 410 000 km²
Histoire et événements
286 Division de Dioclétien
395 Mort de Théodose Ier
Séparation définitive de l'Empire
476 Déposition de Romulus Augustule
Dissolution
Empereur
Flavius Honorius
Valentinien III
Romulus Augustule

Entités précédentes :

L'Empire romain d'Occident exista de façon intermittente entre les IIIe et Ve siècles, après l'instauration de la Tétrarchie et les épisodes où l'autorité impériale fut détenue par un seul empereur, à l'instar de Constantin Ier (324-337), de Julien (361-363) et de Théodose Ier (392-395). Ce dernier fut le dernier empereur romain à régner effectivement sur la totalité de cet Empire. À sa mort, en 395, l'Empire fut définitivement réparti entre un Occident et un Orient romains. La disparition de l'Empire romain d'Occident est conventionnellement située au moment de l'abdication de l'empereur-usurpateur Romulus Augustule, le . Cette date détermine, toujours conventionnellement, le début d'une nouvelle ère de l'Histoire de l'Europe : le Moyen Âge.

Lors de l'abdication de Romulus Augustule, Odoacre, le général romain d'origine hérule qui le déposa, serait bien devenu empereur, mais, en raison de son origine barbare, fut seulement reconnu « patrice » d'Italie par l'empereur d'Orient Zénon. Ainsi, Odoacre dut faire allégeance au dernier empereur d'Occident légitime Julius Nepos (474-480), qui se trouvait alors en Dalmatie romaine, et se déclarer vassal de l'empereur d'Orient Zénon.

Ainsi, on peut noter que la chute de Ravenne et la déposition de Romulus Augustule n'eurent rien de spectaculaire, en tout cas beaucoup moins que le sac de Rome en 410. Un empereur d'Occident persistait en Dalmatie jusqu'en 480, puis l'empereur d'Orient devint l'unique empereur du monde romain (avec suzeraineté, plus formelle qu'effective, sur les souverains barbares). Néanmoins, l'Empire romain d'Occident ne s'en releva jamais. Par la suite, malgré une reconquête effective mais partielle par l'empereur Justinien Ier (527-565), il faudra attendre le sacre de Charlemagne (800) pour voir le retour d'une autorité impériale en Occident.

Histoire modifier

La crise du IIIe siècle modifier

Avec l'assassinat de l'empereur Sévère Alexandre le , l'Empire romain connaît une période d'instabilité de cinquante ans, désignée sous le nom de crise du troisième siècle. Durant cette même période, l'ascension de la belliqueuse dynastie sassanide en Perse commença à menacer sérieusement l'est de l'Empire : en 259, l'empereur Valérien fut capturé par Chapour Ier, et mourut en captivité l'année suivante.

Gallien, son fils aîné, qui régnait à ses côtés depuis 253, lui succéda et poursuivit la guerre face aux Sassanides. Son propre fils, Salonin, et le préfet du prétoire Silvanus, résidaient à Colonia Agrippina (Cologne) pour renforcer la loyauté des légions locales, ce qui n'empêcha pas le gouverneur local des provinces germaniques, Postume, de se rebeller. Il attaqua Colonia Agrippa, et dans la confusion qui suivit la mort de Salonin et Silvanus, se proclama empereur des Gaules, avec Augusta Treverorum (Trèves) pour capitale. Ce nouvel Empire s'étendit bientôt sur les provinces germaniques et gauloises, ainsi que sur l'Hispanie et la Bretagne, posséda son propre sénat et ses propres consuls.

Vers la même période, les provinces orientales firent sécession sous le commandement de la reine Septimia Bathzabbai Zénobie, formant l'empire de Palmyre. Ce n'est qu'en 272 que l'empereur Aurélien parvint à réintégrer ce territoire à l'Empire romain. L'Est étant désormais sûr, il se tourna vers l'Ouest et reprit, un an plus tard, l'empire des Gaules.

La Tétrarchie modifier

Les tétrarques.

Les frontières de l'Empire restèrent globalement en paix durant le reste de la crise du IIIe siècle, même si au moins huit empereurs furent tués, souvent par leurs propres troupes, entre la mort d'Aurélien en 275 et l'avènement de Dioclétien, dix ans plus tard.

La division politique de l'Empire romain débuta sous Dioclétien. Il fonda la Tétrarchie en 293 en ajoutant deux césars pour seconder chaque auguste, Maximien ayant déjà été désigné César (285-286), puis Auguste de l'Occident. Les césars seront Galère dans la préfecture d'Illyrie (Orient) et Constance Chlore dans la préfecture des Gaules (Occident). Ce système divisa l'Empire en quatre parties avec chacune sa résidence impériale, en plus de Rome (qui reste l'unique capitale de l'Empire), afin d'éviter les troubles qui avaient marqué le IIIe siècle. Ainsi, en Occident, les capitales étaient Mediolanum (Milan) pour Maximien Hercule et Trèves pour Constance Chlore. Le , les deux Augustes abdiquèrent et furent remplacés par leurs Césars.

Le système de la Tétrarchie ne tarda pas à s'effondrer après la mort prématurée de Constance Chlore, en 306. Son fils Constantin Ier fut proclamé Auguste de l'Ouest par les légions de Bretagne. Une crise s'ensuivit, durant laquelle plusieurs prétendants tentèrent de s'approprier la partie occidentale de l'Empire. En 308, l'Auguste de l'Est, Galère, organisa une conférence à Carnuntum qui refonda la Tétrarchie en divisant l'Empire entre Constantin Ier et Licinius. Grâce à une série de batailles dans l'Est et l'Ouest, Licinius et Constantin stabilisèrent leurs parties respectives de l'Empire, et à partir de 313, ils entrent en compétition pour la domination de l'Empire. Lors de la bataille de Chrysopolis, en 324, Licinius est capturé par Constantin, puis exécuté l'année suivante.

La Tétrarchie avait vécu, mais l'idée de diviser l'Empire entre deux empereurs devait rester. Les empereurs les plus doués le réuniraient sous leur férule, mais à leur mort, il serait de nouveau divisé entre l'Est et l'Ouest.

Deuxième division modifier

Division de l'Empire après la mort de Théodose (395).

L'Empire romain était réuni sous un seul empereur, mais à la mort de Constantin Ier (337), une guerre civile éclata entre ses trois fils, divisant l'Empire en trois. L'Ouest fut réunifié en 340 sous Constant Ier, puis tout l'Empire en 353 par Constance II. Deux ans plus tard, ce dernier, écartelé entre l'agitation des Germains et la guerre contre les Sassanides, nomma son cousin Julien César et l'envoya en Gaule.

En 360, Julien fut proclamé Auguste par ses soldats mutinés et rassemblés devant le palais des thermes de Cluny, et Constance II mourut l'année suivante, le laissant seul maître de l'Empire. Julien fut tué en 363 en combattant les Sassanides, et son successeur, Jovien, le commandant de la garde impériale, fut tué l'année suivante.

Division finale modifier

Après la mort de Jovien, l'empire retomba dans une période d'instabilité politique. En 364, Valentinien Ier s'imposa. Il divisa aussitôt l'empire, en offrant la partie orientale à son frère Valens. Aucune des deux ne fut stable avant longtemps, car les conflits s'intensifiaient avec les éléments extérieurs, notamment les Huns et les Goths. En outre, un problème de taille pour l'Ouest était la réaction politique causée par le paganisme dominant contre les empereurs chrétiens. En 379, Gratien, fils et successeur de Valentinien Ier, refusa de porter le titre de pontifex maximus, et en 382, il priva de leurs droits les prêtres païens et fit retirer l'autel païen de la Curie.

En 388, Magnus Maximus, un général populaire et puissant, s'empara du pouvoir à l'Ouest et força Valentinien II, le frère de Gratien, à fuir vers l'Est pour y quérir de l'aide ; l'empereur d'Orient Théodose Ier le remit promptement sur le trône. En 392, Valentinien II fut assassiné par le magister militum Arbogast, un Franc païen, et un sénateur nommé Eugène fut couronné. Il fut renversé deux ans plus tard par Théodose, qui gouverna l'Orient et l'Occident pendant deux ans, jusqu'à sa mort (395). C'était la dernière fois qu'un empereur unique gouvernait la totalité de l'Empire. Théodose le Grand le divisa entre ses deux fils : à Arcadius, l'ainé, l'Orient, à Honorius, le cadet, l'Occident.

Une brève période de calme s'ensuivit pour l'Empire d'Occident sous Honorius, contrôlé par le Vandale Stilicon, et s'achève avec l'assassinat de ce dernier en 408. Les chemins des deux empires se séparèrent alors franchement : si l'Orient entame une lente reconstruction et consolidation, l'Occident commence à s'effondrer.

Invasions de l'empire (100-500).

Déclin économique modifier

Tout au long de son histoire, l'Empire d'Occident connut un déclin économique constant, qui contribua à sa chute finale, tandis que l'économie de l'Empire d'Orient restait stable, notamment grâce aux richesses de l'Asie Mineure. L'Orient pouvait entretenir une armée importante, renforcée au besoin de mercenaires, là où l'Occident n'en était plus capable.

Avec l'affaiblissement du pouvoir central, les empereurs perdirent le contrôle des frontières et des provinces, ainsi que de la mer Méditerranée, surtout après que les Vandales se furent emparés de la province d'Afrique (429-439). Avec l'instabilité économique, les institutions romaines s'effondrèrent. La plupart des envahisseurs exigeaient un tiers des pays conquis à leurs sujets romains, et le chiffre était encore plus élevé quand plusieurs tribus envahissaient la même province.

De larges surfaces entretenues avec soin furent abandonnées à cause de l'instabilité politique. Ce fut là un coup sévère porté à l'économie, qui reposait en grande partie sur l'agriculture.

L'ouvrage La Banque, de Babylone à Wall Street, de Colling, met l'accent pour sa part sur une asphyxie du système bancaire au IIIe siècle dans l'Empire romain d'Occident, les évêques de Rome condamnant alors toute sorte de prêt à intérêt[1], à la différence de ceux de Constantinople.

Chute de Rome et fin de l'Empire d'Occident modifier

Les deux empires en 476.

Après la mort de Stilicon en 408, le règne de Honorius est rythmé par les usurpations et les invasions, notamment de Vandales et de Wisigoths. En 410, Rome fut pillée par des armées non romaines pour la première fois depuis l'invasion gauloise de -390. En dépit de quelques victoires remportées par des généraux talentueux, notamment Aetius en Gaule (bataille des champs Catalauniques), l'instabilité provoquée par les usurpateurs à travers tout l'Empire d'Occident ne put être enrayée par de faibles empereurs, et favorisa les conquêtes germaniques. Au Ve siècle, leurs chefs se firent eux-mêmes usurpateurs. En 475, Flavius Oreste, ancien secrétaire d'Attila, chassa l'empereur Julius Nepos de Ravenne et proclama empereur son propre fils, Romulus Augustule.

En 476, Oreste refusa d'accorder aux Hérules d'Odoacre le statut de fédérés, poussant Odoacre à s'emparer de Ravenne et à envoyer les insignes impériaux à Constantinople, s'établissant comme représentant de l'empereur en Italie. Si le pouvoir romain se maintint dans des poches isolées après 476, Rome elle-même était gouvernée par des barbares, et le contrôle de Rome sur l'Occident avait pris fin.

Le dernier empereur modifier

Il est généralement convenu que l'Empire d'Occident a disparu le , lorsque Odoacre déposa Romulus Augustule.

Julius Nepos, depuis son réduit de Dalmatie, était reconnu comme empereur romain d'Occident par l'empereur d'Orient Zénon ainsi que par le général romain Syagrius, gouverneur d'une enclave romaine au Nord de la Gaule, entre la Loire et la Somme. Odoacre, nouveau maître de l'Italie, commença à négocier avec Zénon, qui finit par lui accorder le titre de « patrice d'Italie », le reconnaissant comme son vice-roi en Italie (et donc son représentant en Occident). Dans le même temps, Zénon insista pour qu'Odoacre rende hommage à Julius Nepos comme empereur d'Occident. Odoacre accepta, allant jusqu'à frapper des pièces au nom de celui-ci dans toute l'Italie. Il ne s'agissait cependant que d'un geste purement politique, et Odoacre ne rendit aucun territoire à Julius Nepos. Ce dernier fut finalement assassiné en 480, et Odoacre conquit peu après la Dalmatie.

Romulus Augustule fut épargné par Odoacre qui, bien qu'ayant assassiné son père, eut pitié de lui et lui donna une pension et une villa en Campanie, villa qui devint un monastère. On trouve trace de lui au milieu des années 500, ce qui laisse à penser qu'il aurait survécu à Julius Nepos.

La perpétuation de l'autorité romaine et de la romanité en Occident modifier

La suzeraineté romaine sur les rois barbares modifier

L'assassinat du dernier empereur d'Occident Julius Nepos (480) eut deux conséquences.

Premièrement, l'empereur d'Orient Zénon devient le seul empereur du monde romain. Ainsi, en Occident, il est intéressant de constater que les rois barbares, qui avaient contracté un fœdus romain, avaient unanimement reconnu l'autorité de l'empereur Zénon, et ce afin de faciliter le gouvernement sur des territoires majoritairement romanisés et christianisés.

Deuxièmement, le général Syagrius se retrouve sans appui politique et sans soutien militaire. Pour rappel, Odoacre avait été reconnu en tant que patrice romain par l'empereur Zénon en 476, faisant de lui le vice-roi de ce dernier en Italie et son représentant en Occident. Or le général Syagrius prétendait également au titre de patrice, se posant donc en rival d'Odoacre. La mort de Julius Nepos incita Odoacre et Zénon à se débarrasser de ce général trop indépendant.

Ainsi, en Occident, les foedus romains étant transférés à Odoacre, représentant de l'autorité impériale, celui-ci charga Clovis, roi du peuple fédéré des Francs d'envahir le domaine gallo-romain et d'évincer Syagrius. Abandonné par ses alliés wisigoths, celui-ci fut vaincu à la bataille de Soissons en 486. Sous cet angle, cet épisode peut être perçu comme une simple guerre civile au sein du monde romain.

Plusieurs évènements ultérieurs iront en ce sens : Clovis célébra sa victoire à Soissons par un triomphe « à la romaine » en 486 ; l'empereur Zénon chargea Théodoric, roi du peuple fédéré des Ostrogoths, de « restaurer l'autorité impériale » en Italie entre 488 et 493 face à un Odoacre devenu trop menaçant ; l'empereur Anastase Ier octroya le titre romain de « consul en Gaule » à Clovis ; et les populations romanisées continuèrent à vivre sous la loi romaine. Ainsi, la romanité persista en Occident et les Barbares y prenaient part.

L'Empire byzantin à son apogée territorial, durant le règne de Justinien dont les conquêtes sont en orange.

La reconquête romaine de la Méditerranée occidentale modifier

L'Empire romain (appelé conventionnellement Empire byzantin à partir de 629) eut des prétentions sur les anciens territoires occidentaux de l'empire tout au long du Moyen Âge. Au VIe siècle, deux prétextes donnèrent l'occasion d'une action militaire de reconquête. Premièrement, les Romano-berbères d'Afrique du Nord appelèrent Constantinople à l'aide à la suite du renversement du Vandale Hildéric, favorable aux Romains, par Gélimer. Deuxièmement, les Ostrogoths, toujours fédérés, devenaient à leur tour menaçants.

Profitant de cette situation avantageuse, les campagnes des généraux Bélisaire et Narsès permirent à l'empereur Justinien de reconquérir une grande partie de la Méditerranée occidentale : l'Afrique vandale fut reprise en 533, puis l'Italie ostrogothique (Guerre des Goths, 535-553) ainsi qu'une partie de l'Espagne wisigothique (Hispania). De plus, alors que les Francs et les Wisigoths, toujours peuples fédérés, confirmèrent leur allégeance à l'empereur romain, les Britto-romains perpétuèrent la fiction de la persistance de l'autorité romaine sur l'île de Bretagne et en Armorique (voir également la légende arthurienne). Ainsi, au moment des Guerres de Justinien (533-553), on pouvait encore trouver en Gaule des descendants de soldats romains qui continuaient à combattre « à la romaine », organisés en cohortes (avec numéros de cohorte, enseignes et autres ornements), au sein des armées franques et armoricaines (britto-romaines).

Néanmoins, bien que la reconstitution de l'Empire parut alors à portée de mains, l'influence des tribus barbares avait fortement marqué ces anciennes provinces romaines, à la fois culturellement et économiquement. La fiscalité pesant lourdement sur les territoires reconquis, il coûta très cher à l'Empire romain de se maintenir dans ces régions où la culture et l'identité romaines, ciments de l'empire, avaient été sérieusement endommagées, bien que la question de la romanité reste encore sujette à caution. Les descendants de Romains se disent toujours Romains, les tribus assimilées, elles, étaient fières de prendre part à cette glorieuse civilisation.

La fin de la fiction de l'autorité romaine et derniers feux de la romanité en Occident modifier

En Occident, l'intégration progressive des populations barbares, minoritaires, aux populations romanisées, majoritaires, finit par donner naissance à une nouvelle civilisation chrétienne, plus médiévale, y marquant la fin de l'Antiquité tardive et le début du Haut Moyen Âge. Au sein de cette nouvelle civilisation, les références romaines de plus en plus lointaines finiront par disparaître bien que certains souverains tenteront encore de rétablir l’Empire romain, notamment Charlemagne (768-814) et Otton I° (936-973). Dans ce contexte, le passage au Moyen-âge se concrétisa par le fait que les souverains barbares n'eurent plus besoin de la suzeraineté romaine pour assurer le gouvernement de leurs territoires.

Ainsi, le premier souverain à passer le cap fut le Mérovingien Théodebert I°, roi franc de Reims (future Austrasie, peu romanisée). Celui-ci cessa de battre monnaie à l'effigie de l'empereur dès 537. Il fut suivi par le Wisigoth Léovigild, qui profita du début de la reconquête de l'Espagne romaine (570) pour cesser de battre monnaie à l'effigie de l'empereur. Seuls, les Mérovingiens (hors de l'Austrasie) perpétueront encore un temps leur allégeance envers l'empereur (qui deviendra une simple alliance militaire avec Constantinople). Dans le même temps, les Britto-Romains furent définitivement écrasés à la bataille de Dyrham par les Saxons dès 577.

Parallèlement, le début des invasions lombardes en Italie (568), des raids avaro-slaves dans le Nord des Balkans (569) et la reconquête wisigothique (570) entraîna une perte de contrôle de Constantinople sur ces territoires, ce qui fit diminuer le poids de l'élément latin au sein de l’Empire romain, la Méditerranée orientale, l'Italie méridionale et la Sicile étant fortement hellénisées (ces deux dernières seront, d'ailleurs, les seules reconquêtes justiniennes durables). En conséquence, en 629, alors que l’empereur Héraclius mettait fin à une terrible et longue guerre avec les Perses sassanides (602-628), il proclama le grec comme langue officielle de l’Empire et prit le titre de « Basileus ». L'Empire romain désormais médiéval est dès lors conventionnellement appelé « Empire byzantin ». Ainsi, la romanité byzantine perdit sa vocation universelle pour se confondre avec une identité gréco-orientale très chrétienne.

Enfin, le dernier reliquat de la romanité antique en Occident ne sera autre que l'exarchat byzantin de Carthage, qui restera encore intact et fortement romanisé (Afrique romaine) jusqu'à la conquête arabo-musulmane des territoires nord-africains (647-711). Par la suite, les Romano-berbères seront progressivement islamisés et arabisés jusqu'au XIIe siècle.

Géographie modifier

Superficie et divisions administratives modifier

Carte animée de la République puis de l'Empire romain, dont celui d'Occident.

À la mort de Théodose Ier et lors de la division définitive de l'Empire en une partie orientale et une partie occidentale (395), ce dernier hérita de la Préfecture des Gaules, de la majeure partie de la Préfecture d'Italie, de l'Afrique et de l'Illyrie, tandis que l'Est obtient la Préfecture d'Orient et deux diocèses Illyriques. À son tour, la Prefecture d'Italie était composée de quatre diocèses : l'Italie (deux diocèses), l'Illyrie et l'Afrique ; celle des Gaules d'un grand nombre de diocèses : Gaule (deux diocèses), Hispanie et Bretagne. Il convient de souligner que Illyrie était divisée entre les deux Empires, et que cette division fut une source du conflit qui commença à se profiler à partir des dernières années du IIIe siècle.

La superficie totale de l'Empire d'Occident était de plus de 2,5 millions de km2, avec une population difficile à quantifier mais qui, selon toute probabilité, ne devait en aucun cas être inférieure à 25 millions d'habitants.

Population modifier

Au cours d'un siècle, on assiste dans le monde romain d'Occident à un déclin démographique généralisé dû aux guerres, aux famines et aux épidémies. L'installation de peuples barbares dans la quasi-totalité des régions de l'Europe occidentale et de l'Afrique ne suffit pas à compenser les pertes subies par les populations locales. Ces groupes ethniques, généralement d'origine germanique, représentèrent toujours une part modeste dans le total de la population romaine ou romanisée, probablement en dessous de 8 % à 10 %.

Pour illustrer la faiblesse numérique des tribus barbares, on se souviendra que les Lombards, lorsqu'ils envahirent l'Italie dans la seconde moitié du VIe siècle, formaient une horde composée d'environ 120 000 personnes y compris personnes âgées, femmes et enfants.

Villes modifier

Au tournant du IVe siècle et du Ve siècle, Rome était encore la ville la plus peuplée de l'Empire, parties occidentale et orientale confondues. Lors du règne de Valentinien Ier (364 - 375), on estime, sur la base des rations de nourriture distribuées, que la Ville devait compter pas moins de 800 000 habitants (d'autres sources évoquent des chiffres encore supérieurs, voir tableau). Ce chiffre demeura quasi inchangé jusqu'à la première décennie du Ve siècle, c'est-à-dire jusqu'au premier sac aux mains des Wisigoths d'Alaric (410). S'ensuivit une baisse de la population mais, encore aux alentours du milieu du Ve siècle, il semble que la population de Rome n'était pas en deçà de 650 000 habitants[2] Ce n'est probablement qu'après le second sac mené par les Vandales (en 455) que Rome perdit son rang de première cité de l'Empire, dépassée non seulement par Constantinople, mais aussi par les grandes métropoles d'Orient d'Alexandrie, Antioche et peut-être même Thessalonique.

Carthage, avec 150 000 à 200 000 habitants ou plus, constituait selon toute probabilité la seconde agglomération urbaine de l'Empire d'Occident. La ville, forte de son immémoriale vocation commerciale, était en outre placée au cœur d'une riche région agricole et exportait des denrées alimentaires jusqu'en Orient. En Afrique, trois autres villes moyennes jouissaient d'une certaine prospérité : Leptis Magna, berceau de la dynastie des Sévères qui, après une période de décadence, avait vécu une certaine reprise sous Théodose ; Timgad, important centre donatiste, et enfin Caesarea (l'actuelle Cherchell, Algérie), où naquit Priscien, peut-être le plus grand grammairien latin tardif.

La ville d'Aquilée.

L'Italie pouvait encore se prévaloir de plusieurs villes relativement peuplées et riches économiquement, au premier rang desquelles Mediolanum (Milan), capitale impériale tout au long du IVe siècle, et Aquilée, qui fut pourtant détruite par les Huns autour du milieu du Ve siècle. Parmi les autres cités importantes, on comptait Bononia Bologne et Ravenne. Cette dernière devint en 402 la capitale de l'Empire romain d'Occident et conserva ce rang jusqu'à sa chute en 476.

La ville la plus peuplée et importante d'Illyrie était probablement Salone (près de l'actuelle Split), en Dalmatie, avec une population de plus de 50 000 habitants, tandis que deux agglomérations frontalières et à l'origine camps militaires, Carnuntum et Aquincum (l'actuelle Budapest), conservaient une certaine importance stratégique. Ces deux villes possédaient deux amphithéâtres, un pour les garnisons et un pour la population civile. Carnuntum fut décrite par Ammien Marcellin, dans la seconde moitié du IVe siècle, comme une ville léthargique et en mauvais état, mais animée par la présence de nombreux militaires installés dans les environs ou dans le centre-ville[3].

L'Ibérie avait subi des évolutions au cours du IVe siècle, la ville d'Hispalis (l'actuelle Séville) s'imposant comme le centre de la Bétique, tandis que Carthago Nova (Carthagène) restait le principal point d'ancrage urbain de la zone orientale du Diocèse. Non moins importants étaient Tarraco (Tarragone), Osca (Huesca) et Caesaraugusta (Saragosse), au nord de la Péninsule.

Parmi les villes les plus importantes et les plus peuplées des deux diocèses gaulois, on trouvait Augusta Treverorum (Trèves, aujourd'hui en Allemagne), capitale impériale à l'époque des Tétrarques et encore au début du Ve siècle siège de préfecture. Arelate (Arles), un temps centre urbain le plus dynamique de la Gaule Méridionale, était également devenue, au début du Ve siècle, capitale de préfecture. Le plus grand centre de la Gaule centrale était, selon toute probabilité, Lugdunum (Lyon).

En Bretagne, la seule ville d'importance était Londinium, l'actuelle Londres, suivie de noyaux urbains de dimension modeste, soit d'origine militaire, soit développés à partir d'agglomérations fondées par les Celtes (comme Calleva Atrebatum, l'actuelle Silchester). Aquae Sulis (Bath) était une station thermale connue depuis le Ier siècle. L'abandon de la Bretagne par les légions romaines au début du Ve siècle entraîna la décadence de ces centres urbains, qui se poursuivit généralement lors du Haut Moyen Âge. Londres, quasiment vidée de ses habitants, dut en pratique être refondée par Alfred le Grand au IXe siècle.

Superficie et population des principales villes de l'Empire[4]
Ville Superficie (hectares) Population (habitants)
Rome 1 800 - (IVe siècle) environ 1 000 000
Capoue 180 70 000
Mediolanum 133 50 000
Bologne 83 30 000
Augusta J. Taurinorum 47 20 000
Verone 45 20 000
Augusta Praetoria 41 20 000
Nova Roma (Constantinople) 1 400 (IVe siècle) 500 000 environ
Leptis Magna 400 100 000
Augusta Treverorum 285 50 000
Nemausus 220 70 000
Vindobona 200 60 000
Londinium 140 50 000
Lutèce 55 20 000
Alexandrie 900 500 000 - 1 000 000
Carthage 300 200 000 - 300 000
Villes fondées ou conquises par les Romains en Italie (fond vert)
Villes fondées par les Romains dans les provinces de l'Empire (fond jaune)
Villes conquises par les Romains hors d'Europe (fond bleu ciel)

Héritage modifier

Les envahisseurs germains qui s'établirent sur le territoire de l'Empire d'Occident maintinrent un grand nombre de lois et traditions romaines. La plupart des tribus germaines étaient déjà christianisées, quoiqu'en majeure partie arienne. Elles se convertirent rapidement au christianisme nicéen, qui devint par la suite le catholicisme, accroissant la loyauté des populations romanisées locales ainsi que reconnaissance et appui de la puissante Église catholique romaine. Leurs lois furent bientôt enrichies par l'apport du droit romain. Le système de droit civil est fondé sur celui-ci, en particulier le Corpus juris civilis compilé sur ordre de Justinien.

Langues romanes en Europe

La langue latine ne disparut jamais véritablement. Combinée aux langues germaines et celtes voisines, elle donna naissance aux langues romanes actuelles, comme l'italien, le français, l'espagnol, le portugais, le roumain, le catalan, l'occitan et le romanche. Le latin influença également les langues germaniques comme l'anglais, l'allemand ou le néerlandais. Sous sa forme « pure », il survit en tant que langue de l'Église catholique romaine (les messes furent dites en latin exclusivement jusqu'en 1965) et servit de lingua franca entre de nombreuses nations. Il resta longtemps la langue des médecins, des juristes, des diplomates et des intellectuels.

L'alphabet latin, complété avec quelques lettres (J, K, W, Z), est aujourd'hui le système d'écriture le plus employé dans le monde. Les chiffres romains continuent à être employés, mais ont été remplacés le plus souvent par les chiffres arabes.

Le rêve d'un Empire romain, universel et chrétien, avec un seul souverain à sa tête, séduisit de nombreux rois et empereurs. Charlemagne, roi des Francs et des Lombards, fut même couronné empereur romain par le pape Léon III en 800. Plusieurs souverains du Saint-Empire romain germanique, dont Frédéric Barberousse, Frédéric II de Hohenstaufen et Charles Quint, tentèrent de donner corps à ce rêve, mais tous échouèrent.

Un héritage visible de l'Empire romain d'Occident est l'Église catholique romaine, qui remplaça peu à peu les institutions romaines en Occident par les siennes, aidant même à négocier la sécurité de Rome à la fin du Ve siècle. Au Xe siècle, la majeure partie de l'Europe centrale, occidentale et du Nord avait été convertie à la foi catholique et reconnaissait le pape comme vicaire du Christ.

Notes et références modifier

  1. Cette condamnation prendra quelques siècles plus tard un aspect canonique, avec le canon 10 du Concile in Trullo
  2. «...alla metà del V secolo...si può immaginare che il totale della popolazione [di Roma] dovesse essere qualcosa di più dei due terzi di un milione.» Cit. d'Arnold H. M. Jones, Il Tramonto del Mondo Antico, Bari, Casa Editrice Giuseppe Laterza & Figli, 1972, CL 20-0462-3, pages 341-342 (titre de l’œuvre originale : Arnold H. M. Jones The Decline of the Ancient World, Lonmans, Green and Co. Ltd, Londres, 1966)
  3. (es) Tim Cornell et John Matthews, Atlante del mondo romano, Novara, Istituto Geografico de Agostini, , p. 142.
  4. On estime la population à 250 à 500 habitants par hectare dans les villes fondées par les Romains (fond vert). Source : « Dalle città dell'Impero Romano alle campagne dell'Età Medioevale », références bibliographiques : [1]

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