Muskar XII

roi de Syldavie, pays de fiction

Muskar XII
Personnage de fiction apparaissant dans
Les Aventures de Tintin.

Origine Syldavie
Sexe Masculin
Cheveux Noirs
Activité Roi de Syldavie
Adresse Palais royal de Klow
Entourage Tintin
Ennemi de Müsstler
Colonel Boris

Créé par Hergé
Voix René Clermont (1961)
Jean-Pierre Moulin (1991)
Séries Les Aventures de Tintin
Albums Le Sceptre d'Ottokar
Éditeurs Casterman

Muskar XII est un personnage de fiction des Aventures de Tintin, créé par Hergé. Il apparaît dans l'album Le Sceptre d'Ottokar, en 1939. Roi de Syldavie, il figure au centre d'un complot tramé par la Bordurie voisine pour le renverser et procéder à l'annexion du pays. Les conjurés prévoient de dérober son sceptre dans les jours qui précèdent la Saint-Wladimir, fête nationale, ce qui le contraindrait à abdiquer. Soucieux du bien-être de son peuple, il envisage de céder le pouvoir mais Tintin parvient à déjouer le complot et à restaurer son autorité.

De même que la Syldavie est inspirée des États balkaniques, le personnage de Muskar XII évoque un certain nombre de souverains européens du début du XXe siècle, à l'image de Zog Ier, qui règne sur l'Albanie de 1928 à 1939.

Comme d'autres souverains présentés dans la série, à l'image du maharadjah de Rawhajpoutalah, Muskar XII fait figure de monarque éclairé, proche de ses sujets et garant de la stabilité du royaume. En venant à son secours, Tintin se pose en défenseur d'une cause juste. L'essayiste Jean-Marie Apostolidès considère qu'à travers la perte du sceptre puis la restauration de son autorité royale, Muskar XII vit en quelque sorte la Passion puis la Résurrection de Jésus.

Le personnage dans la série modifier

Description modifier

Drapeau montrant un pélican noir sur fond jaune.
Le drapeau de la Syldavie.

Muskar XII est le roi de Syldavie, un État fictif d'Europe centrale inventé par Hergé. Il apparaît dans l'album Le Sceptre d'Ottokar, publié chez Casterman en dans une première version en noir et blanc, puis dans une version colorisée en 1947[1].

Photographie d'une voiture noire dans une rue.
Une Packard Super Eight semblable à celle du roi.

Descendant du roi de Syldavie Ottokar IV, c'est un monarque éclairé qui conduit lui-même sa voiture[2], une Packard Super Eight coupé noire qu'Hergé a reproduite fidèlement, excepté le sens d'ouverture des portières[3],[4].

Il figure au centre d'une conspiration de grande ampleur : la Bordurie voisine prévoit de dérober le sceptre royal — sans lequel il devrait abdiquer lors de la Saint-Wladimir, la fête nationale[5] — afin d'envahir et d'annexer la Syldavie[H 1]. Le complot est dirigé par le Zyldav Zentral Revolutzionär Komitzät (Z.Z.R.K., Comité central révolutionnaire syldave)[H 1] et prend corps autour de Müsstler, chef du parti La Garde d'Acier, qui possède de nombreux complices dans l'entourage même du roi, comme son aide de camp, le colonel Boris, ou encore parmi les gardes chargés de la protection du palais royal[H 2].

Tintin a du mal à approcher le roi car les membres du complot l'en empêchent, le décrivant comme un anarchiste[H 3] mais, quand il y parvient enfin[Note 1], le roi comprend facilement la menace qui pèse sur son pays et ils partent ensemble au château Kropow pour tenter de protéger le fameux sceptre, symbole du pouvoir royal et de la stabilité du pays[H 5]. Il se montre finalement plus attaché à la vie de ses sujets qu'à son propre trône, prévoyant d'abdiquer pour éviter que le sang ne coule[H 6],[6], mais le complot est déjoué à temps par Tintin, au grand soulagement du souverain[7]. Muskar XII fait immédiatement arrêter les complices[8].

À la fin de l'album, le roi décore Tintin de l'ordre du Pélican d'Or, la plus haute distinction de Syldavie, pour le remercier de tous les services rendus[H 7],[9],[10].

Quand Tintin retourne en Syldavie dans Objectif Lune puis L'Affaire Tournesol, Muskar XII n'est plus mentionné[11]. À partir de 1957, Muskar XII figure dans la galerie de portraits dans les pages de garde des albums des Aventures de Tintin[12]. Dans ses notes pour Un jour d'hiver, dans un aéroport à la fin des années 1970, Hergé envisage parmi d'autres retours de personnages secondaires, dans l'aéroport où se concentre l'aventure, une réapparition de Muskar XII poursuivi par des Bordures[13].

Sources d'inspiration modifier

De nombreux spécialistes de l'œuvre d'Hergé, comme Pierre Assouline ou Philippe Goddin, relèvent la ressemblance physique entre le personnage de Muskar XII et le roi Zog Ier, qui a régné sur l'Albanie de 1928 à 1939, avant l'annexion de ce pays par l'Italie fasciste de Mussolini[14],[15]. D'autres tintinologues, comme Yves Horeau, estiment que « les uniformes, les casquettes et les moustaches sont communs à trop de jeunes souverains ou prétendants d'avant-guerre » pour que l'on puisse confirmer une quelconque inspiration particulière. Il cite ainsi le cas d'Otto de Habsbourg, le fils de l'empereur d'Autriche Charles Ier, dont une photographie prise en grande tenue à Bruxelles en 1932 se rapproche du portrait de Muskar XII inséré par Hergé dans la brochure touristique consultée par Tintin dans l'avion qui le conduit en Syldavie[H 8]. Alors qu'Yves Horeau cite également Boris III, roi de Bulgarie, comme source d'inspiration potentielle pour dresser le portrait de Muskar XII, le journaliste Tristan Savin évoque Alexandre Ier, roi de Yougoslavie, ou Alphonse XIII, roi d'Espagne[16], une hypothèse également retenue par Philippe Goddin[17], tandis que le critique de bande dessinée Dodo Niță avance le nom d'Alexandre Jean Cuza, prince souverain de Roumanie dans la seconde moitié du XIXe siècle[18]. Benoît Peeters évoque quant à lui la ressemblance avec Léopold III, dans ce qu'il considère comme « une exaltation de la monarchie constitutionnelle à la belge »[19]. Yves Horeau rappelle également la ressemblance entre Muskar XII et l'acteur Ronald Colman, qui interprète le rôle du roi Rudolf V de Ruritanie dans Le Prisonnier de Zenda, un film de 1937 dont l'intrigue est similaire à celle du Sceptre d'Ottokar[16].

L'origine du nom « Muskar » est incertaine, mais le professeur de littérature Marc Angenot y lit un mot-valise issu de la contraction des patronymes du chef d'État italien Benito Mussolini et du roi de Roumanie Carol II[20].

Vue d'ensemble du palais depuis la place des palais.
Le palais royal de Bruxelles inspire celui de Klow.

Le palais royal de Klow, résidence du roi de Syldavie, est fortement inspiré du palais royal de Bruxelles[21],[22].

Analyse modifier

Comme avant lui le maharadjah de Rawhajpoutalah, dans Les Cigares du pharaon, ou après lui l'émir Mohammed Ben Kalish Ezab, dans Tintin au pays de l'or noir, Muskar XII est présenté comme un bon monarque, soucieux du bien-être de son peuple. Comme eux, il est la cible d'ennemis cupides et sans scrupules que Tintin, défenseur d'une cause juste, réussit finalement à écarter[23],[24]. Selon Pierre Skilling, historien de la bande dessinée, la présentation de ces figures monarchiques possède un intérêt double pour Hergé : d'une part, le dessinateur affirme ses propres convictions politiques en présentant la royauté comme garante de la stabilité politique du pays, d'autre part, la pompe qui entoure le souverain permet de conserver dans les aventures une dimension de conte de fées essentielle dans une œuvre pour la jeunesse[15],[23].

Pour autant, le roi est relativement passif face au complot qui le vise, préférant s'en remettre à Tintin qui lui est pourtant totalement inconnu[25]. De même, avant que Tintin ne trouve lui-même les preuves du complot, Muskar XII fait preuve d'une grande naïveté et ne voit pas venir le danger : entre autres, il ne se doute pas que son aide de camp, le colonel Boris, figure parmi les conjurés[26]. En déjouant le complot qui vise le roi, Tintin assure la permanence de son pouvoir légitime[24]. Pour Benoît Peeters, « Le Sceptre d'Ottokar propose donc une exaltation de la monarchie constitutionnelle à la belge »[27], à une période où elle est menacée par les visées expansionnistes de l'Allemagne nazie ou le nationalisme flamand[20].

L'essayiste Jean-Marie Apostolidès considère qu'à travers la figure de Muskar XII, le dessinateur « met en scène une passion, au sens christique du mot, celle du roi prêt à se sacrifier pour le peuple dont il est le père »[8]. Ainsi, la disparition du sceptre peut représenter la mort symbolique du roi, tandis que son retour à l'aube du troisième jour apparaît comme une résurrection[8].

Interprétations et postérité modifier

Photographie en couleurs d'un homme âgé.
René Clermont prête sa voix au roi Muskar XII pour un enregistrement audio de l'aventure en 1961.

En 1961, le personnage de Muskar XII est interprété par René Clermont dans une adaptation radiophonique de l'album, produite par Nicole Strauss et Jacques Langeais pour la radiodiffusion-télévision française. Cette adaptation, diffusée en dix-neuf épisodes d'une dizaine de minutes[28], est distribuée en 1961 sous la forme d'un disque 33 tours aux éditions Pathé Marconi, réalisé par René Wilmet et Jean Jusforgues, sur une musique de Vincent Vial[29],[30].

Dans la série télévisée d'animation Les Aventures de Tintin, réalisée en 1991, il est doublé par Jean-Pierre Moulin[31].

Le personnage de Muskar XII est parfois mis en scène pour des événements publics ou culturels. Ainsi, en 2000, un homme interprète son rôle pour présider le gala Castafiore organisé par l'association des Pélicans noirs au Grand-Théâtre de Bordeaux[32]. De même en 2010, dans la même ville, un Muskar XII de composition prononce un discours lors de l'inauguration de l'Esplanade du professeur Tournesol, au côté du maire Alain Juppé[33],[32]. En 2012, le faux roi est à nouveau présent lors de l'interprétation de l'hymne national syldave créé par l'Opéra de Bordeaux[34].

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. La rencontre est accidentelle, Tintin étant renversé par la voiture du roi en voulant traverser la rue[H 4].

Références modifier

  • Renvois à l'album Le Sceptre d'Ottokar :
  1. a et b Le Sceptre d'Ottokar, planches 52 et 53.
  2. Le Sceptre d'Ottokar, planches 35, 36 et 37.
  3. Le Sceptre d'Ottokar, planche 38.
  4. Le Sceptre d'Ottokar, planche 40.
  5. Le Sceptre d'Ottokar, planches 40 et 41.
  6. Le Sceptre d'Ottokar, planche 57.
  7. Le Sceptre d'Ottokar, planches 60 et 61.
  8. Le Sceptre d'Ottokar, planche 21.
  • Autres références :
  1. Pierre Assouline, Hergé, Paris, Gallimard, coll. « Folio », , 820 p. (ISBN 978-2-07-040235-9), p. 323-324.
  2. Apostolidès 2006, p. 155.
  3. La Packard du roi Muskar, Le Sceptre d'Ottokar, Éditions Atlas, coll. « En voiture Tintin » (no 18).
  4. Charles-Henri de Choiseul Praslin, Tintin, Hergé et les autos, Éditions Moulinsart, , 64 p. (ISBN 2-87424-051-6), p. 8, 42.
  5. Francis Delpérée, « La Constitution de Tintin », Revue française de droit constitutionnel, no 100,‎ , p. 879-886 (lire en ligne).
  6. Couvreur, Soumois et Maricq 2012, p. 7.
  7. Couvreur, Soumois et Maricq 2012, p. 15.
  8. a b et c Apostolidès 2006, p. 165.
  9. Farr 2001, p. 87.
  10. Rainier Grutman, « « Eih bennek, eih blavek » : l'inscription du bruxellois dans Le sceptre d'Ottokar », Études françaises, Montréal, vol. 46-2,‎ , p. 83-99 (lire en ligne).
  11. Apostolidès 2006, p. 168.
  12. Couvreur, Soumois et Maricq 2012, p. 14.
  13. Peeters 2006, p. 574.
  14. Couvreur, Soumois et Maricq 2012, p. 4.
  15. a et b Éric Fottorino, « Par les moustaches de Plekszy-Gladz », Le 1, no 12 « Sarajevo, un siècle d'histoires »,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  16. a et b Tristan Savin, « Mais où est donc la Syldavie ? », dans Tintin : Les arts et les civilisations vus par le héros d'Hergé, Geo, Éditions Moulinsart, , 160 p. (ISBN 978-2-8104-1564-9), p. 101.
  17. « Bienvenue en Syldavie », dans Tintin à la découverte des grandes civilisations, Le Figaro, Beaux Arts Magazine, (ISBN 978-2-8105-0029-1), p. 82-86.
  18. Hveghi Moltus, « La controverse de Lavau », sur 7soleils.org, Association Les 7 Soleils, (consulté le ).
  19. Peeters 2006, p. 161.
  20. a et b Marc Angenot, « Basil Zaharoff et la guerre du Chaco : la tintinisation de la géopolitique des années 1930 », Études françaises, vol. 46-2,‎ , p. 47-63 (lire en ligne).
  21. (en) Stuart Tett, King Ottokar's Sceptre : The Real-life Inspiration Behind Tintin's Adventures [« Le Sceptre d'Ottokar : L'inspiration de la vraie vie derrière Les Aventures de Tintin »], New York City, Little, Brown and Company, (ISBN 978-0-316-13383-8), p. 11-23.
  22. Benoît Denis, « Aller voir ailleurs si j'y suis : Hergé, Simenon, Michaux », Textyles, no 12,‎ , p. 121-136.
  23. a et b Pierre Skilling, Mort aux tyrans ! : Tintin, les enfants, la politique, Québec, Nota bene, coll. « Études culturelles », , 191 p. (ISBN 978-2-89518-077-7).
  24. a et b Frédéric Rouvillois, « Le positionnement politique de Tintin ? Du royalisme décomplexé ! », Vexilla Galliae,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  25. Couvreur, Soumois et Maricq 2012, p. 6.
  26. Frédéric Soumois, « Du rififi dans les Balkans », Historia, Paris « Hors-série » « Les personnages de Tintin dans l'histoire : Les événements de 1930 à 1944 qui ont inspiré l'œuvre d'Hergé »,‎ , p. 80-81.
  27. Peeters 2006, p. 191.
  28. « Le Sceptre d'Ottokar », sur madelen.ina.fr, Institut national de l'audiovisuel (consulté le ).
  29. « Les Aventures de Tintin - Le sceptre d'Ottokar », sur encyclopedisque.fr (consulté le ).
  30. « Hergé - Tintin Le sceptre d'Ottokar », sur discogs.com (consulté le ).
  31. « Jean-Pierre Moulin » (présentation), sur l'Internet Movie Database.
  32. a et b Jean-Claude Chemin, « L'esplanade du professeur Tournesol inaugurée en présence du roi Muskar XII », sur Les 7 Soleils, (consulté le ).
  33. Étienne Latry, « Tryphon Tournesol à l'honneur », sur Sud Ouest, (consulté le ).
  34. Daniel Couvreur, « Tintin à l’opéra : « Réjouis-toi Syldave ! » », sur Le Soir, (consulté le ).

Annexes modifier

Articles connexes modifier

Bibliographie modifier

Album en couleurs modifier

Ouvrages sur l'œuvre d'Hergé modifier

Liens externes modifier

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