Passer predomesticus

espèce éteinte d'oiseaux

Passer predomesticus est une espèce fossile d'oiseaux de la famille des Passeridae. Décrit pour la première fois en 1962, il est connu par le biais de deux prémaxillaires du Pléistocène moyen trouvés dans la grotte d'Oumm-Qatafa en Palestine. Les prémaxillaires ressemblent à ceux du Moineau domestique et du Moineau espagnol, mais diffèrent par une rainure profonde à la place d'une crête sur la face inférieure. Le paléontologue israélien Eitan Tchernov — qui a décrit l'espèce — et d'autres ont estimé qu'il était proche de l'ancêtre des Moineaux domestiques et espagnols, mais les données moléculaires le situent à une origine plus ancienne des espèces de moineaux modernes. Vivant dans des climats semblables mais à pluviosité plus importante que celle de la Palestine actuelle, il était considéré par Tchernov comme un ancêtre « sauvage » des moineaux commensaux des humains, bien que sa présence dans la grotte d'Oumm-Qatafa puisse indiquer une cohabitation avec l'homme.

Taxinomie modifier

Le seul matériel connu de Passer predomesticus se compose de deux prémaxillaires faisant aujourd'hui partie des collections de l'Université hébraïque de Jérusalem. Ces os ont été décrits par le paléontologue israélien Eitan Tchernov (en) en 1962[1] et examinés par le zoologiste sud-africain Miles Markus deux ans plus tard[2]. L'auteur n'a pas clairement identifié de spécimen type et Robert M. Mengel, le rédacteur en chef de The Auk, a dit du journal de Tchernov qu'il contenait « de nombreuses lacunes et de[s] contradictions gênantes »[3]. En 1975, la paléontologue française Cécile Mourer-Chauviré a rapporté des moineaux fossiles d'une grotte de Saint-Estève-Janson, dans le sud de la France, mais qui n'ont pu, en l'absence de prémaxillaires, être identifiés comme P. predomesticus ou comme Moineau domestique (Passer domesticus)[4].

Sur un sol caillouteux recouvert d'une mince étendue d'eau, deux oiseaux sont posés ; le mâle au premier plan à gauche présente un plumage tacheté avec du marron, du noir et du blanc alors que la femelle au second plan à droite présente un plumage uni beige.
Couple de Moineaux espagnols (Passer hispaniolensis) dans le sud-est de la Turquie.

Tchernov avançait que le Moineau domestique et les espèces apparentées ont connu des changements morphologiques considérables, adaptations à leur relation commensale qu'ils entretiennent avec les humains, le bec devenant de plus en plus long et plus fin. Il a écrit que P. predomesticus était intermédiaire entre le Moineau domestique (P. domesticus) et le Moineau espagnol (P. hispaniolensis), et a suggéré qu'il pourrait être un parent de l'ancêtre primitif du Moineau domestique avant qu'il ne devienne dépendant de l'homme[5]. Markus a constaté que l'espèce fossile était plus proche des Moineaux domestiques de Palestine et du Grand Moineau (P. motitensis), et a estimé que le Moineau domestique avait évolué depuis l'Afrique[2]. Dans un article de 1984, Tchernov a suggéré que la période au cours de laquelle le moineau domestique et P. predomesticus auraient pu se séparer correspondrait à la glaciation de Würm, il y a entre 70 000 à 10 000 ans[6]. Dans une étude de 1977 sur l'évolution du Moineau domestique, les zoologistes américains Richard F. Johnston (en) et William J. Klitz ont estimé que le Moineau domestique a évolué avec le début de l'agriculture, datant tous les fossiles qui pouvaient même être attribués à l'ancêtre commun aux Moineaux domestique et espagnol comme plus récents que P. predomesticus[7]. Dans son ouvrage de 1988 intitulé The Sparrows, l'ornithologue britannique James Denis Summers-Smith a estimé que P. predomesticus était à peu près contemporain de l'ancêtre commun aux Moineaux domestique et espagnol et que toutes les espèces actuelles de moineaux du genre Passer à répartition paléarctique avaient évolué plus tard[8]. En s'appuyant sur des études plus récentes et sur les techniques de la phylogénie moléculaire, Ted R. Anderson conclut en 2006 dans son Biology of the Ubiquitous House Sparrow que toutes les espèces du genre Passer ont une longue histoire évolutive, avec une spéciation survenant dès le Miocène[9].

Description modifier

Dessin légendé présentant la vue supérieure d'un crâne d'oiseau.
Dessin d'un crâne de Moineau domestique vu du dessus, avec le prémaxillaire tout en haut, légendé pmx.

Les prémaxillaires, seuls os à partir desquels Passer predomesticus est connu, sont en général relativement faciles à déterminer chez les oiseaux. Tchernov a conclu que les prémaxillaires de P. predomesticus ressemblaient davantage à ceux du Moineau domestique qu'à ceux du Moineau espagnol, tout en étant très différents des deux. Chez P. predomesticus une rainure centrale et longitudinale aux bords relevés sillonne la face inférieure (ventrale) du prémaxillaire. Les Moineaux domestiques et espagnols ont, en lieu et place de cette rainure, une crête étroite, plus importante chez le Moineau domestique[1],[2]. Chez le Grand Moineau, le Moineau mélanure (Passer melanurus), et le Moineau sud-africain (Passer diffusus), cette crête est moins développée, et ces espèces peuvent même avoir un sillon peu profond à l'avant du prémaxillaire, mais pas aussi bien développé que la rainure de P. predomesticus. Chez P. predomesticus, cet os a une largeur maximale de 8 millimètres et la longueur mesurée de la pointe du prémaxillaire à l'arrière de l'os nasal est de 12 millimètres[1],[2].

Paléoenvironnement modifier

Selon le papier de Tchernov de 1962, Passer predomesticus a été trouvé dans la couche E1 de l'Acheuléen moyen (Pléistocène moyen, il y a sans doute plus de 400 000 ans) de la grotte d'Oumm-Qatafa à Wadi Khareitoun près de Bethléem[7],[10]. Cependant, en 1984, Tchernov écrit que P. predomesticus a environ 140 000 ans, datant donc du Yabroudien[6]. La couche E1 contenait les restes d'environ 40 espèces d'oiseaux, y compris un prémaxillaire décrit par Tchernov comme celui d'un ancêtre du Moineau de la mer Morte (Passer moabiticus) ainsi qu'un tarsométatarse et un humérus provisoirement attribués à un Moineau domestique[11]. Une couche acheuléenne indéterminée de la même grotte contenait également des fossiles que Tchernov décrit comme ceux de précurseurs aux Moineaux domestique et espagnol[8].

Bien que les interprétations du paléoclimat de Oumm-Qatafa aient différé, Tchernov a suggéré que les dépôts soient ceux d'un climat méditerranéen mais plus pluvieux que celui d'aujourd'hui[12]. Tchernov a considéré P. predomesticus comme un moineau « sauvage »[6], mais Anderson pensait que la présence de l'espèce et d'autres fossiles du genre Passer à Oumm-Qatafa indiquerait que ces espèces ont vécu en association avec les premiers humains paléolithiques[9].

Notes et références modifier

Notes modifier

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Passer predomesticus » (voir la liste des auteurs).

Références modifier

  1. a b et c Tchernov 1962, p. 102-103
  2. a b c et d Markus 1964, p. 245-246
  3. Woolfenden 1965, p. 680
  4. Mourer-Chauviré 1975, p. 212
  5. Tchernov 1962, p. 103
  6. a b et c Tchernov 1984, p. 94-95
  7. a et b Johnston et Klitz 1977, p. 18-19
  8. a et b Summers-Smith 1988, p. 278-279
  9. a et b Anderson 2006, p. 9-10
  10. Tchernov 1962, p. 99-100
  11. Tchernov 1962, p. 100, 103-104
  12. Tchernov 1962, p. 121

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • (en) Eitan Tchernov, « Paleolithic avifauna in Palestine », The Bulletin of the Research Council of Israel, Section B. Zoology, vol. 11, no 3,‎ , p. 95-131
  • (en) Miles B. Markus, « Premaxillae of the fossil Passer predomesticus Tchernov and the extant South African Passerinae », The Ostrich, vol. 35, no 4,‎ , p. 245-246 (DOI 10.1080/00306525.1964.9639423, S2CID 85304215)
  • (en) Glen E. Woolfenden, « Recent Literature », The Auk, vol. 82, no 4,‎ , p. 667-680 (DOI 10.2307/4083245 Accès libre, JSTOR 4083245, lire en ligne [PDF]). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • C. Mourer-Chauviré, « Les oiseaux du Pléistocène moyen et supérieur de France », Documents des Laboratoires de Géologie de la Faculté des Sciences de Lyon, vol. 64, parties 1 et 2,‎ , p. 1-261, 263-624. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (en) R.F. Johnston et W.J. Klitz, « Variation and evolution in a granivorous bird: the house sparrow », dans Jan Pinowski et Samuel Charles Kendeigh, Granivorous birds in ecosystems: Their evolution, populations, energetics, adaptations, impact and control, vol. 12, Londres, Cambridge University Press, coll. « International Biological Programme », , 431 p. (ISBN 0-521-21504-8), p. 15-51. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (en) Eitan Tchernov, « Commensal animals and human sedentism in the Middle East », dans J. Clutton-Brock, C. Grigson, Animals and Archaeology, Oxford, B.A.R., (ISBN 0-86054-207-6), p. 91-115
  • (en) James Denis Summers-Smith (ill. Robert Gillmor), The Sparrows: a study of the genus Passer, Calton, Staffs, Angleterre, T. & A.D. Poyser, (ISBN 0-85661-048-8). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (en) Ted R. Anderson, Biology of the Ubiquitous House Sparrow : from Genes to Populations, Oxford, Oxford University Press, , 547 p. (ISBN 0-19-530411-X, lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article

Articles connexes modifier