Services de renseignement syriens

services secrets syriens
Services de renseignement syriens
Cadre
Type
Pays
Organisation
Directeur
Hussam Louka (d) (depuis )Voir et modifier les données sur Wikidata

Les services de renseignement syriens, ou services secrets syriens, appelés communément « forces de sécurité » ou mukhabarat (en arabe : مخابرات, informateurs), sont omniprésents en Syrie et ont une place essentielle dans le fonctionnement du régime baasiste sous Hafez el-Assad, qui les met en place avec l'aide d'Aloïs Brunner, puis Bachar el-Assad. Ils sont connus pour former un appareil répressif d’une rare efficacité, exercer une surveillance et un contrôle puissants sur l'ensemble de la société civile, en toute immunité. Les arrestations arbitraires, disparitions forcées et la torture dans les centres de détention dirigés par les différentes branches des services de renseignement syriens sont des pratiques systématiques[1],[2],[3],[4],[5].

Les services de renseignement sont dirigés par le directeur du Bureau de la sécurité nationale syrienne. Le général Ali Mamlouk occupe ce poste de jusqu'à son remplacement par Hussam Louka, en poste en 2023[6]. Tous deux sont placés sous sanctions internationales, Ali Mamlouk fait en outre l'objet de mandats d'arrêt internationaux[7],[8],[9],[10].

Les services de renseignements surveillent l'ensemble de la population civile, les différents corps armés, les journalistes étrangers (parfois arrêtés, emprisonnés, voire assassinés tout comme leurs confrères syriens), ainsi que les diplomates et personnes se rendant en Syrie ou étant en contact avec des militants syriens exilés. Ils constituent une base essentielle permettant au régime de réprimer toute contestation et de se maintenir au pouvoir[11],[12].

Histoire modifier

Ces services sont mis en place alors qu'Hafez el-Assad s'empare du pouvoir lors d'un coup d’État en 1970. Hafez el-Assad est aidé par Aloïs Brunner, ancien responsable nazi et bras droit d'Adolf Eichmann, exilé en Syrie, pour la mise en place de ces services. C'est ce dernier qui forme tous les responsables des services de renseignements, y compris aux techniques d'interrogatoire et de torture. À la mort d'Hafez, son fils, Bachar el-Assad, hérite d’un « appareil de terreur et de secret (qui) n’a cessé de se perfectionner » pendant 30 ans, solidement installé à tous les niveaux du pouvoir, et qui contrôle jusqu’aux moindres détails de la vie quotidienne des Syriens. « Complexe, divisé en nombreuses branches qui toutes se surveillent et s’épient, fonctionnant sur la base du cloisonnement absolu, cet appareil s’érige sur un principe : tenir le pays par l’usage d’une terreur sans limites. »[13],[14],[15],[11].

Méthodes et fonctionnement modifier

Prisons modifier

Les centres de détentions gérés par les services sont réputés parmi les pires au monde, notamment pendant la guerre civile syrienne, pendant laquelle des millions de Syriens sont surveillés et arrêtés ou enlevés, civils (étudiants, médecins, infirmiers, journalistes, militants...) mais aussi militaires (soupçonnés de vouloir déserter ou de soutenir le soulèvement révolutionnaire). À cette période, le nombre de prisonniers politiques et de détenus d'opinion, déjà très important, explose littéralement, ainsi que le nombre d'arrestations arbitraires et disparitions forcées, l'usage systématique de la violence et de la torture est largement décrit et documenté, reconnu comme un crime contre l'Humanité par l'ONU, la justice allemande et de nombreuses ONG[16],[2],[17],[18],[19].

Diplomatie modifier

Les services secrets syriens surveillent les Syriens exilés à l'étranger, via leurs ambassades, et ils surveillent également les diplomates étrangers en Syrie. En 2011, un diplomate français explique à la journaliste Sofia Amara, en reportage en Syrie, qu'il pense sa ligne sur écoute, que ses collègues et lui sont suivis et surveillés dans leurs déplacements, que la « valise diplomatique à destination de Paris fait parfois l'objet d'une fouille discrète de la part des services syriens, en violation des règles du droit diplomatique »[12],[16].

Organisation des différents services modifier

Les services secrets syriens, dénommés de manière générique, « renseignements » ou « services de sécurité », sont composés de 4 organisations, elles-mêmes divisées en de nombreuses branches :

Les Syriens qui sont arrêtés ou victimes de disparition forcée ne savent généralement pas précisément à quel service ils ont affaire. Leurs proches s'adressent, le plus souvent en vain, aux différents services afin d'essayer d'obtenir des informations, contre de l'argent, mais avec la crainte de disparaître à leur tour[21],[22].

Les branches des services de renseignement, qui comportent des « centres d'investigations » (interrogatoires où la torture est systématiquement employée) et des prisons secrètes, sont numérotées, et plusieurs d'entre elles sont devenues « tristement célèbres » avec des surnoms populaires, telles la Branche 235, dite Branche Palestine, la branche 251, dite Branche al-Khatib, ou la branche 215, surnommée « Branche de la mort ».

Justice modifier

Des sanctions internationales[23] et mandats d'arrêts internationaux sont mis en place après le témoignage et les plaintes de réfugiés Syriens en Europe[9].

En 2019, deux anciens agents des renseignements, dont Anwar Raslan, un haut gradé, sont arrêtés en Allemagne. En 2020, leur procès s'ouvre à Coblence. Raslan est inculpé de 58 chefs d'accusation, dont des crimes contre l'humanité, actes de torture, viol et sévices sexuels ; reconnu coupable de crime contre l'humanité, dont le meurtre d'au moins 27 détenus, en janvier 2022, il est condamné à la prison perpétuité en Allemagne par la Haute cour régionale de Coblence[18].

Notes et références modifier

  1. Jean-Pierre Perrin, « Le massacre de Houla, ce monstrueux révélateur », sur Libération.fr, (consulté le )
  2. a et b « Walls-Have-Ears », Syria Accoutability Project,‎ (syriaaccountability.org/wp-content/uploads/Walls-Have-Ears-English.pdf)
  3. « Les disparitions forcées, arme de guerre de Bachar Al-Assad », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  4. « À la recherche d’Anwar Raslan, tortionnaire syrien », sur Les Jours, (consulté le )
  5. « Colonel Raslan », le podcast sur les traces de « La traque », sur Les Jours, (consulté le )
  6. « Spy chief’s daughter highlights UN’s tangled relations with Syrian regime », Financial Times,‎ (lire en ligne, consulté le )
  7. Luc Mathieu, « Ali Mamlouk Directeur du bureau de la sécurité nationale », sur Libération.fr, (consulté le )
  8. Le Point magazine, « Le général Ali Mamlouk devient chef de l'appareil sécuritaire syrien », sur Le Point, (consulté le )
  9. a et b « Trois dignitaires syriens visés par des mandats d’arrêt émis par la justice française », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  10. (en) « France issues arrest warrants for senior Syrian officials », Reuters,‎ (lire en ligne, consulté le )
  11. a et b « Syrie : documenter dix ans de guerre. Avec Jean-Pierre Perrin, Garance Le Caisne et Jean-Philippe Rémy. », sur France Culture (consulté le )
  12. a et b Sofia Amara, Infiltrée dans l'enfer syrien : du printemps de Damas à l'État islamique, Paris, Stock, , 257 p. (ISBN 978-2-234-07618-1), p. 100 à 102
  13. « Syrie: comment le nazi Aloïs Brunner a formé le premier cercle du clan Assad », sur Franceinfo, (consulté le )
  14. « Les numéros XXI », sur www.revue21.fr (consulté le )
  15. « Hussein Ghrer, survivant des geôles syriennes », La Croix,‎ (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le )
  16. a et b « "Les murs ont des oreilles" : enquête sur les dérives des services de sécurité syriens », sur France 24, (consulté le )
  17. Jonathan Littell, Carnets de Homs : 16 janvier-2 février 2012, Paris, Gallimard, , 234 p. (ISBN 978-2-07-013814-2), p. 90
  18. a et b (en) Tamara Qiblawi,Jomana Karadsheh,Christian Streib, « A Syrian colonel is jailed for life in a first torture trial for the Assad regime. It's one step in a 'long path to justice,' say victims' families », sur CNN, (consulté le )
  19. « Crimes contre l'humanité en Syrie : trois hauts responsables du régime renvoyés devant la justice française », sur Franceinfo, (consulté le )
  20. Jonathan Littell, Carnets de Homs : 16 janvier-2 février 2012, Paris, Gallimard, , 234 p. (ISBN 978-2-07-013814-2), p. 20
  21. « Les « disparus » au cœur de la tragédie syrienne », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  22. « Syrie. Les familles des « disparu·e·s » méritent des réponses », sur Amnesty International, (consulté le )
  23. (en-US) Nancy Messieh, « Assad is appointing new military officials to escape sanctions on Syria », sur Atlantic Council, (consulté le )

Liens externes modifier