Spectroscopie astronomique

La spectroscopie est l'un des moyens principaux pour les astrophysiciens pour étudier l'Univers. En 1835, Auguste Comte disait dans son Cours de philosophie positive que parmi les choses qui resteraient à jamais hors de portée de la connaissance humaine figurait la composition chimique du Soleil. Il ne vécut pas assez longtemps pour voir en 1865 deux savants allemands, Robert Bunsen et Gustav Kirchhoff analyser pour la première fois la lumière du Soleil et permettre la détermination de la composition chimique de celui-ci. Depuis cette date, la spectroscopie astronomique n'a cessé de progresser et les spectrographes font désormais partie intégrante de tous les observatoires astronomiques du monde.

L'analyse d'un spectre nous apporte une grande quantité d'information sur la source qui a émis la lumière, mais aussi sur la matière se trouvant entre la source et nous.

Historique modifier

De tout temps, les hommes ont observé des arcs-en-ciel lors d'averses. Il faut cependant attendre 1665 pour que Isaac Newton s'intéresse à la question de la décomposition de la lumière au moyen d'un prisme (et de sa recomposition au moyen de la roue qui porte son nom). 150 ans plus tard, en 1814, Joseph von Fraunhofer découvre les raies qui portent son nom dans le spectre du Soleil[1]. Fraunhofer utilise un réseau de diffraction inventé en 1785 par David Rittenhouse. En 1865, Robert Bunsen et Gustav Kirchhoff (généralisant les travaux de Foucault dès 1845) aperçoivent également des raies en observant des spectres de flamme et, stupéfaction, s'aperçoivent que ces raies se trouvent exactement aux mêmes endroits que celles décrites par Fraunhofer, 50 ans plus tôt, faisant ainsi le lien entre les spectres et la composition chimique des objets observés. Il en déduisit la loi éponyme "un corps ne peut absorber que les radiations qu'il peut émettre" qui aura des conséquences révolutionnaires sur le plan astronomique, nonobstant les affirmations d'Auguste Comte (1842).

C'est également l'époque où Dmitri Mendeleïev développe son célèbre Tableau périodique des éléments qui comporte encore de nombreux trous. Les chimistes se lancent alors dans la recherche d'éléments inconnus en étudiant des raies inconnues dans les spectres de flamme de tous les minéraux qui leur tombent sous la main. C'est ainsi que furent découverts le gallium, le germanium... À noter également que l'hélium fut identifié dans le spectre solaire quelques années avant d'être trouvé sur Terre. En effet, l'astronome français Jules Janssen (1824-1907) détecta la raie à 5875 A (jusqu'alors inconnue en laboratoire) dans le spectre solaire () au cours de l'éclipse totale à Guntur en Inde. L'astronome britannique Sir J.N. Lockyer proposa la dénomination d'hélium puisque la raie fut détectée dans le spectre de Hélios (Soleil !). En même temps, des recherches en physique (théories du rayonnement, lois de Planck, de Wien, etc.) sur la structure atomique (Rutherford, Bohr...) précisent la nature des quanta, la dépendance du spectre électromagnétique avec la longueur d'onde, due aux différentes transitions de niveaux d'énergie. Fin du XIXe siècle, on s'intéresse également à la qualité de l'éclairage et au lien entre la température et la répartition de l'énergie dans le spectre. La loi de Wien, l'observation du spectre de l'atome d'hydrogène et de ses différentes 'séries' mèneront au développement de la mécanique quantique et au modèle de Bohr de l'atome. Pieter Zeeman découvre en 1896 que les raies se dédoublent sous l'effet d'un champ magnétique, c'est l'effet Zeeman lié au spin de l'électron.

Les conclusions de Kirchhoff concernant le spectre solaire - le Soleil est composé d'un corps central très chaud, responsable du fond continu du spectre, entouré d'une "atmosphère" dont les couches extérieures moins chaudes et moins denses sont responsables des raies d'absorption, raies sombres sur fond continu brillant - auront des répercussions astronomiques considérables. En effet, appliquée aux étoiles par Huggins (1864 en Angleterre) et par Secchi à Rome, sur bon nombre d'étoiles, la spectroscopie stellaire révèle des similitudes spectrales avec le spectre de l'astre du jour : un fond continu sillonné de raies ou de bandes sombres plus ou moins larges ; c'est donc que la constitution de ces étoiles devrait être analogue à celle du Soleil.

Par ailleurs, les progrès en chimie-physique (spectre de l'atome d'hydrogène, études des niveaux d'énergie, etc.) permettent de relier la présence de telle ou telle raie de tel ou tel élément chimique aux conditions physiques (température, pression) à l'intérieur de l'étoile étudiée. On en arrive ainsi à "ranger" les étoiles suivant leurs spectres en fonction de la température de leur atmosphère, et en fonction de leur éclat apparent. Combinée à la loi de Pogson (1856) reliant magnitudes apparente et absolue, l'analyse des spectres des étoiles mènera à leur classification dans un diagramme "type spectral - luminosité" qui portera le nom de diagramme de Hertzsprung-Russell vers 1910 dû à deux astronomes travaillant indépendamment : Ejnar Hertzsprung et Henry Norris Russell.

À la fin du XIXe et au début du XXe siècle, on n'avait que très peu d'idée sur la nature "extra-galactique" des objets célestes. C'est ainsi qu'on pensait avoir détecté en 1885 la présence d'une "nova" (étoile nouvelle, en réalité il s'agissait de la supernova SN 1885A, dans la région centrale de Messier 31, la célèbre "nébuleuse" d'Andromède), dont on pensait qu'elle faisait partie de la Voie Lactée. Les recherches de Ms. Henrietta Leavitt, Shapley, Slipher, et autres Hubble consistaient à mettre en évidence que ces lointaines nébuleuses étaient en réalité des "univers-îles". En 1929, Edwin Hubble, analysant les spectres de quelques "nébuleuses" lointaines, observe que leur spectre (de l'hydrogène ou d'autres éléments chimiques) présente un décalage vers le rouge par comparaison avec un spectre d'une source de référence ; et ce décalage était d'autant plus grand que l'objet visé était plus loin, équivalent à l'"effet Doppler" qui venait d'être signalé : c'est la future Loi de Hubble. C'est la base du modèle cosmologique actuel : le Big bang suivi d'une expansion de l'Univers toujours en cours.

L'effet Zeeman permit à George Ellery Hale de montrer l'origine magnétique des taches solaires en réalisant les premiers magnétogrammes (en). La spectroscopie permet également l'étude de la composition des atmosphères planétaires[2] et la composition isotopique des particules émises par les comètes[3].

Les différents spectrographes modifier

Exemples modifier

  • SOPHIE, ÉLODIE, CORALIE, HARPS, HARPS-N et le futur ESPRESSO, entre autres, sont des spectrographes destinés à la recherche d'exoplanètes.
  • UVES est un spectrographe échelle dans l'optique, installé au VLT.
  • FORS1 et FORS2 sont deux spectrographes optiques, également installés au VLT, et qui permettent de faire aussi bien de la spectroscopie longue-fente et multi-objets.
  • FLAMES est un spectrographe multi-objets, multi-fibres, au VLT.

Notes et références modifier

  1. En fait, il les redécouvre ; William Hyde Wollaston les avait déjà observées en 1802 mais n'en avait pas poussé l'étude plus loin.
  2. y compris la nôtre pour l'étude des gaz à effet de serre et le trou dans la couche d'ozone.
  3. Notamment pour la validation de la théorie cométaire de l'origine de l'eau sur la Terre.

Annexes modifier

Articles connexes modifier

Liens externes modifier