Oxysulfure de carbone

composé chimique
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Oxysulfure de carbone
Image illustrative de l’article Oxysulfure de carbone
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Identification
Nom UICPA oxysulfure de carbone
Synonymes

carbone oxysulfure
sulfure de carbonyle

No CAS 463-58-1
No ECHA 100.006.674
No CE 207-340-0
PubChem 10039
ChEBI 16573
SMILES
InChI
Propriétés chimiques
Formule COS  [Isomères]
Masse molaire[2] 60,075 ± 0,006 g/mol
C 19,99 %, O 26,63 %, S 53,38 %,
Moment dipolaire 0,715 189 D [1]
Propriétés physiques
fusion −138,81 °C[3]
ébullition −50,2 °C[3]
Solubilité 1,49 g·l-1 (eau,20 °C))[4]
Masse volumique 1,178 g·cm-3 à −50,2 °C[3]
d'auto-inflammation 250 °C[4]
Limites d’explosivité dans l’air 6,529 %vol[3]
Pression de vapeur saturante 11,28 bar à 20 °C[3]
Point critique 63,5 bar, 105,65 °C [5]
Thermochimie
S0gaz, 1 bar 231,57 J·K-1·mol-1[6]
S0liquide, 1 bar 136,31 J·K-1·mol-1[6]
ΔfH0gaz −138,41 kJ·mol-1[6]
Δfus 4,728 kJ·mol-1 à −138,82 °C[6]
Δvap 18,506 kJ·mol-1 à −50,24 °C[6]
Cp 41,48 J·K-1·mol-1 (gaz,24,85 °C)
71,25 J·K-1·mol-1 (liquide,−53,15 °C)[6]
Propriétés électroniques
1re énergie d'ionisation 11,18 ± 0,01 eV (gaz)[8]
Précautions
Directive 67/548/EEC[3]
Toxique
T
Extrêmement inflammable
F+


Transport[3]
   2204   
Écotoxicologie
DL50 23 mg·kg-1 (rat, i.p.)[9]

Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

L'oxysulfure de carbone ou sulfure de carbonyle, de formule chimique COS, est un gaz incolore, toxique[10] et inflammable, principalement émis dans l'environnement par les sols anoxiques[11], l'océan et l'activité volcanique. Il est également issu indirectement de l'oxydation dans l'atmosphère du sulfure de diméthyle (DMS) et du disulfure de carbone CS2 principalement dégazés depuis l'océan[12].
Il fait partie des ligands soufrés volatils (composés chimiques appartenant au cycle du soufre et interagissant chimiquement avec certains métaux).

C'est un puissant gaz à effet de serre dont le rôle présent et passé dans les cycles biogéochimiques est encore mal compris.

Dans notre atmosphère riche en dioxygène ce gaz est rapidement dégradé (photolyse + probables phénomènes catalytiques). Il perd alors ses capacités de gaz réchauffant puisqu'au contraire, les composés issus de cette dégradation forment des aérosols soufrés qui renvoient vers l'espace une partie du rayonnement infrarouge solaire[13] (mais en contribuant secondairement à l'acidification des mers... laquelle, au-delà d'un certain seuil pourrait rétroactivement diminuer la capacité des océans à stocker le CO2 sous forme de CaCO3, c'est-à-dire faire de l'océan une source de dioxyde de carbone, voire de méthane qui accélèrerait le réchauffement).

Rôle dans les théories paléoclimatologiques modifier

Une équipe de chimistes danois (Université de Copenhague) et japonais (Institut de technologie de Tokyo) estime que ce gaz a joué durant l'archéen et avant cette période un rôle majeur, puisque :

  • similaire au rôle joué aujourd'hui par l'ozone stratosphérique, c'est-à-dire protégeant la surface de la Terre des UV solaires.
  • comme gaz à effet de serre (stable à cette époque car l'atmosphère ne contenait pas d'oxygène), ayant permis que la Terre ne soit pas entièrement gelée avant l'archéen et au début de cette période (sans ce gaz, la température terrestre aurait été 30 % plus basse[14]). Grâce à lui toute l'eau n'a pas gelé sur Terre, ce qui a permis à la biodiversité naissante de mieux se maintenir alors que le Soleil était plus petit et émettait 30 % moins de chaleur que de nos jours.

Néanmoins les bactéries photosynthétiques ont à cette époque peu à peu libéré dans l'atmosphère une grande quantité d'oxygène, lequel a oxydé les composés carbonés et soufrés de l'air. Le soufre rejeté par les volcans au lieu d'être transformé en oxysulfure de carbone s'est alors peu à peu transformé en aérosols sulfatés qui ont considérablement refroidi la planète, conduisant à une Terre boule de neige (glaciation presque totale de la planète, responsable d'une première grande extinction qui s'est étendue sur plusieurs millions d'années, marquant la fin de l'Archéen il y a environ 2,5 milliards d'années)[15].

Propriétés physico-chimiques modifier

C’est un gaz incolore et inflammable, à l’odeur désagréable d'œuf pourri (au-delà d'un certain taux dans l'air, indétectable à faible concentration).
Sa molécule de structure linéaire est composée d'un groupe carbonyle lié par une double liaison à un atome de soufre.
Le sulfure de carbonyle peut être considéré comme un intermédiaire chimique entre le dioxyde de carbone et le disulfure de carbone, qui sont tous deux isoélectroniques de cette molécule.

En présence d'humidité et de bases (métaux[16]), le sulfure de carbonyle se décompose en dioxyde de carbone et en sulfure d'hydrogène[17],[18].

Rôle dans l'apparition de la vie modifier

Ce composé catalyse la formation de peptides à partir d’acides aminés. Cette conclusion est une des suites de l'expérience de Miller-Urey qui laisse penser que le sulfure de carbonyle a pu jouer un rôle important dans l'apparition de la vie sur Terre[19].

Dans l’air modifier

L’oxysulfure de carbone est le composé soufré le plus naturellement présent dans l'atmosphère, aujourd’hui présent à environ 0,5 (± 0,05) ppb car continuellement émis par les volcans, les marais et à partir des remontées d’eaux profondes, ce qui en fait un composé important dans le cycle global du soufre. Des analyses faites dans les carottes de glace de l’Antarctique donnent une image détaillée des fluctuations de teneurs en COS des années 1640 à nos jours, permettant notamment de séparer les origines anthropiques et naturelles. L’oxysulfure de carbone semble principalement transporté dans la stratosphère où il est oxydé en acide sulfurique.

La première source artificielle de ce gaz est industrielle (fuites de gaz utilisé comme intermédiaire en carbochimie ou perte comme sous-produit de la production de disulfure de carbone), mais d’autres sources importantes existent :

Le total des rejets directs d’oxysulfure de carbone dans l'atmosphère a été estimé à environ 3 millions de tonnes par an, dont un peu moins d’un tiers serait d’origine humaine[17]. C'est aussi une part importante des impuretés soufrées de différents syngas (gaz de synthèse) produit à partir de charbon ou pétrole.

Toxicologie, écotoxicologie modifier

Jusqu’en 1994, la toxicité de ce produit ne semblait pas ou peu avoir fait l’objet d’études publiées. La toxicité aiguë chez l’Homme ou l’Animal était connue pour des concentrations élevées (> 1 000 ppm) pouvant provoquer l'effondrement soudain ou entraîner des convulsions et la mort par paralysie respiratoire[17],[18]. Des décès occasionnels avaient été rapportés, pratiquement sans irritation locale ni avertissement olfactif, laissant penser qu’à des doses plus faibles, la toxicité du produit pouvait aussi être importante[18]. 50 % des rats de laboratoires meurent après une exposition à 1 400 ppm de COS durant 90 minutes, ou à 3 000 ppm durant 9 minutes[18].
Des études sur le modèle animal (animaux de laboratoire) suggèrent également que l'inhalation continue de faibles doses (par exemple, environ 50 ppm durant 12 semaines) n'affecte pas les poumons ou le cœur[18].

  • Il induit une irritation des voies respiratoires et peut dégrader le système nerveux central. Il est toxique par inhalation, avec risque de mort par paralysie respiratoire, à la suite des effets sur le système nerveux central)
  • CL50 : 1 700 ppm·h-1
  • Toxique pour la vie aquatique.
  • Dangereux pour l'eau potable.

Risques modifier

  • Risques d'incendie. L'exposition prolongée au feu des contenants peut induire l'explosion des récipients. La décomposition thermique produit des fumées toxiques et/ou corrosives suivantes en raison du monoxyde de carbone et dioxyde de soufre qu'elles contiennent.
  • Mélange détonant avec les oxydants forts.
  • Risque d'inhalation (cf. toxicité ; voir § ci-dessus). Sous forme liquide, gazeuse ou vapeur, il est plus lourd que l'air, et peut s'accumuler dans les creux, caves, égouts ou dans le sol en cas d'accident.
  • Risque de corrosion (par contact) des Aciers ferritiques (par ex. aciers au carbone) en présence de CO2 et d'humidité[20]. Le contact avec les élastomères suivants n'est pas recommandé : Isobutène - isoprène Buthyl (IIR) ; Nitrile (NBR) ; Chloroprène (CR) ; Éthylène - Propylène (EPDM)[20].

Dans les aliments modifier

Du sulfure de carbonyle a été trouvé dans certains aliments (fromages) et dans les légumes préparés de la famille du chou (naturellement riche en soufre). Des traces de COS sont naturellement présentes dans certaines graines (0,05 à 0,1 mg·kg-1).

Dans l'espace extra-atmosphérique modifier

Du sulfure de carbonyle a été découvert et observé dans le milieu interstellaire.

Utilisation modifier

Le sulfure de carbonyle est utilisé comme intermédiaire dans la production d'herbicides (thiocarbamate) (EPA, 1994) et serait un biocide fumigant candidat potentiel pour remplacer le bromométhane et la phosphine.

Ce gaz est utilisé dans le procédé Mond, pour accélerer la carbonylation du nickel. En effet, la pénétration du monoxyde de carbone dans l'alliage métallique de nickel est très lente : l'addition d'oxysulfure de carbone augmente la vitesse de la réaction chimique[21].

Production et synthèse modifier

Il a pour la première fois été décrit en 1841[22] mais a apparemment été mal qualifié, confondu avec un mélange de dioxyde de carbone et de sulfure d'hydrogène.

Carl von Than a le premier (en 1867) caractérisé la substance, formée par réaction du monoxyde de carbone avec du soufre élémentaire. La synthèse en laboratoire implique la réaction de thiocyanate de potassium et d'acide sulfurique. Le gaz qui en résulte contient des quantités importantes de sous-produits et doit être purifié[23] :

KSCN + 2 H2SO4 + H2O → KHSO4 + NH4HSO4 + COS

Notes et références modifier

  1. (en) David R. Lide, Handbook of chemistry and physics, Boca Raton, CRC, , 89e éd., 2736 p. (ISBN 978-1-4200-6679-1 et 1-4200-6679-X), p. 9-50
  2. Masse molaire calculée d’après « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  3. a b c d e f et g Entrée « Carbonyl sulfide » dans la base de données de produits chimiques GESTIS de la IFA (organisme allemand responsable de la sécurité et de la santé au travail) (allemand, anglais), accès le 16 septembre 2009 (JavaScript nécessaire)
  4. a et b « Sulfure de carbonyle » dans la base de données de produits chimiques Reptox de la CSST (organisme québécois responsable de la sécurité et de la santé au travail), consulté le 16 septembre 2009
  5. « Properties of Various Gases », sur flexwareinc.com (consulté le )
  6. a b c d e et f (en) « Carbonyl sulfide », sur NIST/WebBook, consulté le 16 septembre 2009
  7. (en) Carl L. Yaws, Handbook of Thermodynamic Diagrams : Organic Compounds C8 to C28, vol. 1, 2 et 3, Huston, Texas, Gulf Pub. Co., , 396 p. (ISBN 0-88415-857-8, 0-88415-858-6 et 0-88415-859-4)
  8. (en) David R. Lide, Handbook of chemistry and physics, Boca Raton, CRC, , 89e éd., 2736 p. (ISBN 978-1-4200-6679-1), p. 10-205
  9. (en) « Oxysulfure de carbone », sur ChemIDplus, consulté le 16 septembre 2009
  10. [PDF]Fiche de sécurité d'Air Liquide (version 15/7/2005 consulté 2009/11/13)
  11. [PDF]https://webspace.utexas.edu/dm3947/www/Pub/whelan-atmos-env-2013.pdf
  12. http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/jgrg.20068/abstract
  13. Crutzen, P. ; The possible importance of COS for the sulfate layer of the stratosphere ; journal = Geophys. Res. Lett., 1976 ; volume 3 ; pages = 73 à 76. DOI 10.1029/GL003i002p00073
  14. Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS)
  15. Ueno Y., et al. (2009) Geological sulfur isotopes indicate elevated OCS in the Archean atmosphere, solving the faint young sun paradox. Proceedings of the National Academy of Sciences. DOI:10.1073/pnas.0903518106. (Résumé)
  16. Fiche INIS/CNRS « Étude de l'hydrolyse de l'oxysulfure de carbone et de l'hydrogénation du benzoate de méthyle sur oxydes métalliques; Application à la détermination de leurs propriétés superficielles »
  17. a b c et d Hazardous Substances Data Bank (1994). MEDLARS Online Information Retrieval System, National Library of Medicine.
  18. a b c d et e Chemical Summary for Carbonyl sulfide, U.S. Environmental protection Agency. Il y a une coquille sur la ref qui dit "When exposed to humidity or alkalies, decomposes to carbon monoxide and hydrogen sulfide." mais corrige en paragraphe III.C.3 : "hydrolyzed in water to hydrogen sulfide and carbon dioxide."
  19. Luke Leman, Leslie Orgel, M. Reza Ghadiri ; « Carbonyl Sulfide–Mediated Prebiotic Formation of Peptides » ; Science, 2004, volume 306 /5694, pages 283–286. DOI 10.1126/science.1102722. PMID 15472077.
  20. a et b Source : Air Liquide, consulté 2009 09 13
  21. (en) Frank K. Krundwell, Michael S. Moats, Venkoba Ramachandran, Timothy G. Robinson et William G. Davenport, Extractive Metallurgy of Nickel, Cobalt and Platinum Group Metals, Elsevier, , 610 p. (ISBN 978-0-08-096809-4, lire en ligne), p. 271-272
  22. J. P. Couërbe, "Ueber den Schwefelkohlenstoff", Journal für praktische Chemie, volume 23, 1841, pages 83 à 124, DOI 10.1002/prac.18410230105
  23. R. J. Ferm, "The Chemistry of Carbonyl sulfide", Chemical Reviews, volume 57, numéro 4, 1957, pages 621 à 640, DOI 10.1021/cr50016a002

Voir aussi modifier

Articles connexes modifier

Liens externes modifier

Bibliographie modifier

  • (en) P. D. N. Svoronos, T. J. Bruno, « Carbonyl sulfide: A review of its chemistry and properties », Industrial & Engineering Chemistry Research, vol. 41, no 22,‎ , p. 5321–5336 (DOI 10.1021/ie020365n)